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101e km
16 mai 2021

Déconfinement pour qui ?

La perspective du deuxième déconfinement (mais on a déjà oublié le premier) ne manque pas de plonger dans un abîme de perplexité. Depuis déjà plusieurs semaines, il n’est plus question que de ça. On en oublie pourquoi l’on est confiné et l’on ne pense qu’au déconfinement annoncé car il semble qu’annonce signifie fait accompli. Pourtant, le Premier Ministre a fixé un calendrier précis où la date du 19 mai devrait marquer le début d’un processus avec une autre étape début juin avant le déconfinement total à la fin du mois prochain. Tout montre que dans les faits, le déconfinement a déjà commencé et que la maréchaussée, fort zélée sur ce chapitre depuis un an, semble avoir reçu pour consigne de laisser tout faire. Alors, les médias nous amusent depuis quelques semaines avec ça et l’on n’entend que des gens qui ont hâte de se rincer la dalle sur une terrasse ou de bâfrer dans un rade qui réchauffe du surgelé. On n’entend que des gens impatients de « se payer une toile ». On ne savait pas les Français aussi cultivés. Ce n’est pas l’impression qu’ils donnent au vu des résultats électoraux depuis 20 ans (pour ne pas remonter trop loin), à quelques exceptions près et oubliées. Cette fois encore, on a l’impression d’un superposition de mondes, parallèles car ils ne se rencontrent jamais. Pour simplifier encore, nous dirons qu’il y a celui dont parlent les médias et la réalité que vivent des millions de Français qui ne s’y reconnaissent jamais mais ont le sentiment que les médias nous mentent et à travers eux, tous ceux qui occupent cet espace médiatique, au premier rang duquel, on trouve le personnel politique.

Donc, en ce moment, il n’est question que de loisirs, que sorties, que de restaurants et des problèmes des restaurateurs : combien pourront-il laisser entrer de clients (car ce sont des clients et pas des bienheureux parvenant à la félicité alimentaire) et comment en accueillir sur leurs terrasses ? Quand ce ne sont pas les restaurants, ce sont les cinémas. On attend la sortie des nouveaux films comme s’il s’agissait d’une distribution de pains au miséreux. On parle un peu des intermittents du spectacle parce qu’ils font parler d’eux en occupant les grands lieux emblématiques des scènes parisiennes. Ce sera oublié quand les Français seront rassasiés de films et ne penseront plus à aux récriminations contre le confinement décidé par le Gouvernement. Au milieu du pont de l’Ascension, les reportages de retours de plages se multiplient, les méridionaux ont poussé sur la Méditerranée tandis que les Parisiens, une fois de plus, ont investi la Bretagne mais cette fois-ci, pas question de les refouler avec des affiches pour les enjoindre de rentrer chez eux avec leurs microbes supposés. On est content de les revoir dépenser leur argent qu’on imagine illimité. D’ailleurs, il doit l’être vu qu’ils n’ont pas pu le dépenser depuis un an ; alors, autant qu’ils le dépensent chez nous en Bretagne ! Coronavirus : l'enfer, c'est les autres ! Coronavirus : premier mois

Foin des masques et des distances entre les personnes : qu’ils viennent payer leurs loisirs et tant pis pour le 4e confinement que certains redoutent pour l’été. Ce sera toujours ça de pris. Ceux qu’on entend le moins font remarquer que les mêmes causes produisant les mêmes effets, le relâchement, la fin du port du masque et des autres mesures de précaution se traduira inévitablement par une nouvelle vague mais on en aura profité un peu.

exclusionIl en est d’autres qu’on entend moins, voire pas du tout, ce sont tous ceux qui, confinement ou pas, ne savent pas ou ne savent plus ce qu’est une table de restaurant, la lecture d’un menu, le plaisir de se faire servir. Il n’est pas davantage question de ceux qui ne vont jamais au cinéma, parce qu’il n’y en pas un à proximité et que c’est cher, cher pour y aller (à condition d’être mobile), cher pour entrer, surtout quand on ne sait pas ce qu’on va voir. Depuis longtemps déjà, le public populaire a appris que le film commenté par les critiques n’a que peu de rapport avec ce qu’ils voient dans la mesure où les professionnels ont déjà leur opinion avant la sortie des films et qu’ils s’intéressent davantage aux intentions, telles qu’elles figurent dans les dossiers de presse, qu’au résultat final. C’est cette France qui louait (quand elle en avait les moyens) les VHS, puis les DVD, qui représente en quelque sorte l’élite du monde des exclus, de tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les médias où on leur demande peu leur avis et encore moins comment ils vivent vraiment. Vu depuis Paris et des grandes villes, la France présente l’aspect uniforme de la diversité et de la culture. Pas étonnant que tout ce qui vient contredire cette présentation flatteuse soit impitoyablement disqualifié.

Les médias n’avaient pas vu venir la révolte des gilets-jaunes et ils se sont empressés de l’oublier puisque elle ne correspond pas aux grilles de lectures qu’ils ont assimilées au cours de leurs études. La France rurale, loin de tout, loin des cinémas, des restaurants et surtout loin des hôpitaux, des maternités et même des médecins de campagne, reçoit peu la visite des journalistes, sauf pour évoquer une tradition pittoresque ou, mieux encore, à l’occasion d’un fait-divers. Qui parle de ces gens, parfois seuls, presque toujours des femmes, qui ne disposent pas d’un véhicule et qui ne sortent pour ainsi dire jamais de leur villages où elles sont assignées, de fait, à résidence ? Qui sait encore, à Paris et dans les grandes villes, qu’il existe plus de 34 000 communes de moins de 5 000 habitants et que c’est ça qu’on appelle un village ? Dans les villes, on trouve aussi ce type de population qui n’est pas forcément éloignée géographiquement des centres d’intérêt cités mais se trouve éloignée socialement et financièrement. C’est la France des familles ou des personnes seules, entassées dans des logements exigus, mal chauffés, parfois payant un loyer sans rapport avec ce qui est proposé mais avec quelques aides (APL) on y arrive quand même, à condition de tirer un trait sur tout le reste. Le reste, c’est justement ce dont les médias parlent le plus souvent. C’est la France des vieux appartements dans les centres des villes qui n’ont pas été réhabilités en vue loger ceux qui vont au cinéma et au restaurant et qui apprécieraient d’habiter à proximité. Dans cette catégorie, encore faut-il ajouter les SDF, au sens juridique et premier du terme, à savoir ceux qui changent de domicile très souvent, faute d’avoir des attaches ou les moyens de payer un loyer régulier. Ce sont tous ceux qui échappent à toute aide sociale car ils ne sont pas suivis, même de loin, par un quelconque travailleur social. Les sans-abris sont encore plus mal lotis, comme on s’en doute ou pas forcément, car le mépris dont ils font l’objet s’explique en partie par l’idée selon laquelle, ils ne paient pas de loyer, pas d’impôt (dans un pays qui abhorre l’impôt) et ne vivent pas si mal dans leur tente. En somme, ils font du camping en pleine ville et sans rien payer. On ne va pas les plaindre…

C'est qu'il y a des degrés dans l'échelle de l'exclusion. Celui qui a encore un travail mais sait qu'il n'est pas pérenne, craint de se retrouver au chômage dans une région sinistrée ou à un âge avancé. Celui qui l'a déjà perdu redoute de ne plus avoir les moyens de se loger et de se soigner, étant entendu que se soigner signifie évidemment soigner aussi ses enfants. Celui qui ne peut déjà plus se soigner et endure des maux à répétition qu'il tente d'atténuer avec du paracétamol (qui n'est pas remboursé et qu'on consomme en quantités alors qu'on n'a plus beaucoup d'argent pour l'essentiel), pense que la prochaine étape sera un nouveau déménagement forcé en attendant de carrément de se retrouver à la rue. Celui qui y est déjà vit avec l'angoisse permanente de ne pas trouver où passer la nuit et de se faire voler le peu qu'il a sauvé.

Oui, il existe un monde, une France pour qui le déconfinement demeure vide de sens, pandémie ou pas.

 

http://101ekm.canalblog.com/archives/2020/05/31/38335600.html

 

image : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/un-enfant-sur-six-victime-d-exclusion-sociale_1300794.html

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Commentaires
J
Ce que je trouve sidérant, c'est qu'on fasse de la réouverture des terrasses un évènement national. C'est dire à quel vide de sens nous sommes acculés. Les bistrots rouvrent, et tout est réglé de ce qui depuis plus d'un an, posait problème. <br /> <br /> Cependant que les piliers se torchaient à domicile, où l'on tenait banquet sans tenir compte des injonctions gouvernementales. L’État français ne peut pas encore intervenir dans la vie privée des gens, dépêcher quelque fonctionnaire pour vérifier que tout est en règle, faire le décompte des convives, mesurer la distance les séparant, inspecter jusqu'à la conformité du masque, dont le port est exigible à l'extérieur comme à l'intérieur. <br /> <br /> <br /> <br /> Pas encore, mais ce n'est qu'une question de temps. Lorsque le smartphone connecté sera devenu obligatoire, quitte à consentir aux plus pauvres quelque aide à l'acquisition d'un de ces engins et à l'achat d'une connexion à choisir parmi les offres proposées par les FAI partenaires de l'opération, lorsque le smartphone connecté sera rendu obligatoire, il sera loisible à l'autorité policière créée pour la circonstance de savoir qui est avec qui et où, et à quelle distance réglementaire. Cela exige déjà en Chine ( https://youtu.be/9D3czKCXcQo ), où le contrevenant s'expose à la perte de points sur son crédit social, sorte de Brevet du Bon Citoyen établi sur la base d'une peau de chagrin, où chaque action conforme à la doxa du Parti vous fait gagner des points, quand la moindre peccadille, pourvu qu'elle soit assimilée à une infraction, vous en fera perdre. Comme pour votre permis de conduire ! La sanction maximale consiste, pour le citoyen déviant, à ne plus pouvoir prétendre à sa carte du Parti communiste. Ce qui correspond en Chine à une mise à l'index. Au-delà, c'est le camp de rééducation. <br /> <br /> <br /> <br /> Un tel système est-il pensable chez nous ? Dans l'absolu oui. Il s'agit de savoir le vendre. Comme un confinement médiéval. Comme une attestation de déplacement. Comme un test PCR, reconnu pour ses faux positifs. Comme un vaccin élaboré en quelques mois et qui, par conséquent, est administré sans aucun recul. <br /> <br /> <br /> <br /> On invoquera la pandémie, celle-là ou quelque autre à venir, et la lutte contre le terrorisme, quitte à étayer son argumentaire de nouvelles horreurs qui ne manqueront pas de se produire. <br /> <br /> <br /> <br /> D'ores et déjà, on va vous demander de justifier d'un pass numérique - en version papier pour les non-connectés et autres réfractaires - pour accéder à certaines manifestations collectives. Vous devrez par là justifier d'un test négatif récent ou d'une vaccination. Le pack gouvernemental sera apprécié, à savoir l'appli "tous anti Covid", dûment connectée, incluant le pass. Si la pandémie venait à s'aggraver, on peut penser que nous devrions nous prévaloir de ce sésame pour aller au café, au restaurant, prendre un bus... aller voter. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est ce qui les arrête. Pour le moment. Car ce dont ils ont vraiment peur, ce n'est pas du vote-sanction auquel vous pensez. Celui-là fait partie du jeu. C'est un épouvantail à crédules que nous connaissons bien. Il resurgit à chaque fois que se profile une élection déterminante. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce dont ils ont vraiment peur, c'est que nous cessions vraiment de jouer le jeu. Du moins, que nous soyons de plus en plus nombreux à refuser de le jouer. <br /> <br /> <br /> <br /> L'abstention comme le vote blanc, comme le vote nul, comme la non-inscription sur les listes électorales, ne sont pas une désertion. C'est ainsi qu'on veut nous la présenter et c'est ainsi que la fustigent les bien-pensants et les "votards", ceux qui votent par conviction -il en reste quelques-uns- et ceux qui votent pour voter, parce qu'on leur a expliqué que "c'est leur devoir de citoyens" et "que des gens sont morts pour ça" - ce qu'ils ne se privent pas de rabâcher aux abstentionnistes affirmés. <br /> <br /> <br /> <br /> Ne pas voter, refuser le jeu de dupes de l'isoloir, prétendre mettre en doute, ô hérésie suprême ! la validité du suffrage universel, ce n'est pas une désertion. C'est un acte politique. Et c'est un projet politique. Plus l'abstention est massive, plus le pouvoir élu est illégitime. Il a contre lui son opposition et la masse des voix non-exprimées, inscrites ou non. Cela veut dire qu'il a contre lui une majorité. C'est mathématique. Et c'est la démonstration qu'un pouvoir élu par une minorité moindre que la minorité qui aura voté pour son opposition, n'a rien à voir avec l'idée de démocratie. <br /> <br /> <br /> <br /> On ne va pas tergiverser ici sur la nécessité ou non de valider les votes blancs. C'est un vieux serpent de mer qu'on nous ressort après chaque nouveau scrutin perdant-perdant, schéma devenu une habitude depuis que l'abstention et ses satellites, le vote blanc et le vote nul, tendent à devenir "le premier parti de France", comme le pointent, à chaque fois, les commentateurs agréés de nos médias de propagande. <br /> <br /> <br /> <br /> La question que posent les abstentions, sous quelque forme qu'elles prennent, elle n'est jamais posée. Quand bien même le serait-elle qu'elle ferait l'objet de ces débats sans fin et sans issue dont les français ont le secret, débats où la question de fond serait soigneusement occultée. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais cette question-là, les principaux intéressés en connaissent la réponse. Elle ne les empêche certes pas de dormir, peut-être pas du moins, mais ils savent pertinemment que le jour où elle se posera vraiment, ils n'auront plus qu'à se précipiter vers l'héliport le plus proche pour gagner la terre d'exil qui voudra bien les accueillir. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour retarder ce moment, il est bon de recourir à la vieille recette que vantait Jules César pour s'allier la bienveillance de la populace. Panem et circenses. Du pain et des jeux. Des terrasses de café et la fête de la Musique sans pass. <br /> <br /> <br /> <br /> Roulez jeunesse !
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