Donc, j’ai regardé https://www.youtube.com/watch?v=-op2loI2UCM
La TÉLÉ sous GISCARD - la FOLIE des ANNÉES 70 |Documentaire Histoire de la TÉLÉVISION
Un documentaire des plus intéressants car à travers les extraits d’émissions de variétés et autres, c’est toute la société française qui apparaît, qui est décrite avec ses goûts et ses inclinaisons.
Il y a qq erreurs mais pas bcp, pas assez pour remettre en cause le travail. Commençons par les critiques. D’abord, il y a l’usage d’archives anachroniques, c’est à dire où l’on voit le personnage dont on parle mais à une autre époque ou dans un autre contexte. Ensuite, comme il est bcp question de la réforme de 1974 qui aboutit à l’éclatement de l’Ortf, on rappelle les débuts des 3 nouvelles sociétés de télévision mais en oubliant que TF1 n’était pas en couleur et l’a été tardivement. Pourtant, à l’époque, bcp de foyers ne recevaient que la 1ère chaîne. C’est pour ça qu’on ne peut pas comprendre pourquoi l’on voit Y. Mourousi apporter un panneau de couleurs destiné à décorer son studio. En revanche, le générique de Catherine Chaillet en couleurs ne pouvait être celui de janvier 1975, puisque la chaîne était en noir et blanc. Elle en a créé un plus tard et en couleurs : c’est celui qu’on voit dans les extraits.
L’erreur majeure est l’usage de l’expression « état de grâce ». On l’a inventée à l’occasion de l’élection de Mitterrand en mai 1981 car il régnait alors une atmosphère particulière faite de bonne humeur, de joie de vivre, de détente, qui a duré environ un an. C’est unique dans l’Histoire du pays. On a réutilisé cette expression en 1995, pour l’élection de Chirac, après 14 ans de mitterrandie et une fin de règne déplorable. Le but était de façonner un pendant pour faire croire que la population pouvait aussi se réjouir quand la droite venait au pouvoir et pas seulement quand triomphe le Front Populaire ou l’union de la gauche. Par conséquent, je défie quiconque de trouver l’expression « état de grâce » en 1974. Cependant, il est juste de souligner que, comme à chaque élection présidentielle, naturellement, la plus grande partie de la population, celle qui a voté pour le vainqueur, se réjouit et le fait savoir. Seul le taux d’abstention élevé des dernières occurrences diminue cette réaction somme toute normale et démocratique. En plus, le style moderne du PR Giscard, sa décontraction, les premières mesures prises, le choix d’un PM encore plus jeune que lui, réjouissent au-delà de l’électorat qui a conduit Giscard à l’Élysée. D’un autre côté, celui, conservateur, qui a voté pour lui par défaut, voit ces changements d’un mauvais œil et les prend même comme une attaque dirigée contre lui. L’opposition, elle, s’obstine et reconnaît du bout des lèvres les progrès impulsés par le nouveau PR.
Antenne 2 est un cas à part. Voulue par le PR Giscard, cette chaîne devait prouver le changement (dans la continuité : slogan de la campagne de VGE) avec un style nouveau, moderne, ouverts aux opinions et à la création. On apprend que, dès le début, si la nomination de Jacques Sallebert à l’information est acceptée, celle de Philippe Gildas, qui avait pourtant déjà exercé des fonctions directoriales à l’Ortf est refusée. Chirac à Matignon entend freiner tant qu’il peut la volonté d’émancipation et de progrès lancée par l’Élysée. Sur les autres chaînes, l’installation des cadres ne pose pas de problèmes car tous proches de la majorité ; terme employé à l’époque pour désigner la droite et qui ne sera jamais repris à partir de 1981. ll est dit que c’est lui qui a dissuadé A2 de proposer des émissions à Sartre. C’est sans doute vrai mais Sartre n’était pas non plus très chaud. Avec Brigitte Bardot, c’était différent. Elle faisait partie des célébrités qui avaient appelé à voter pour Giscard. On pensait donc que les risques étaient limités à son incompétence télévisuelle. On voit dans l’extrait que cette méconnaissance des codes l’amène à mettre les pieds dans le plat et à apostropher fermement le Ministre invité et à insister jusqu’à obtenir une réponse (presque) satisfaisante. À l’époque, c’était du jamais vu. Même S. Veil, tout auréolée de l’adoption de sa loi sur l’IVG doit composer avec. Peut-être que des problèmes relationnels existaient entre BB, non professionnelle, et son équipe mais l’on peut penser aussi que le pouvoir s’est réjoui de la non reconduction de son émission.
Le JT d’A2 a connu sans doute le plus de péripétie. On sait que sur TF1, Y. Mourousi est passé en force car son supérieur, le reporter Christian Bernadac n’avait pas aimé la première édition et comptait même ne pas y donner suite. Finalement, Mourousi a imposé le style qu’il avait expérimenté sur France Inter pendant près de 8 ans et a duré 13 au « 13 heures » de la première chaîne. Encore une fois, à l’époque, au mitan des 1970s, tous les foyers ne recevaient pas les 3 chaînes. La plupart n’en captaient que 2 et encore beaucoup n’en disposaient que d’une, la première. Il a été rappelé que la toute nouvelle TF1 avait misé sur la personnalisation du journal télévisé. Au « 20 h », l’ancien directeur de l’information de France-Inter, Roger Gicquel, officie. Les réalisateurs de ce documentaire ont bien évidemment passé son ouverture de journal quand il dit : « La France a peur ». Seulement, ils ont rappelé le contexte : le meurtre d’un petit garçon. Ensuite, contrairement à l’habitude quand on diffuse cet extrait, ils ont passé son introduction en entier où il conclut en mettant en garde contre les risques de vengeance. Autrement dit, Gicquel prônait tout le contraire de ce qu’on lui a reproché pendant des années ; au point d’en faire un sécuritaire. Personnalisation, donc et par conséquent, l’audience du JT de 20 heures, « IT1 » caracolait en tête. On a donc considéré que la formule du « Journal d’Antenne 2 » était à revoir et notamment sa présentation. Exit « les minets », terme employé par la presse pour désigner les présentateurs en alternance. Contrairement à ce qui est dit dans le documentaire, Jean-Michel Desjeunes n’était pas un jeune loup venu d’Europe 1. C’était déjà lui qui officiait au JT de la 2e chaîne-couleurs qui s’appelait alors « INF2 ». D’ailleurs, les images de JM Desjeunes montrent derrière lui l’habillage de l’ancien JT de la 2e chaîne de l’Ortf. Pierre Lescures, lui, présentait les titres du journal aux environs de 18 h 45. Les deux partiront et rejoindront ensemble Europe1 où ils recruteront une petite nouvelle dans leur émission : Anne Sinclair. C’est dire si Jean-Michel Desjeunes était compétent et ce qu’il aurait apporté en restant dans la rédaction d’A2. Les « minets » ont donc été remplacés par des présentateurs d’âge mur, censés rassurer les téléspectateurs : Guy Thomas (à 20h), Roland Melh et un troisième que j’oublie. Malgré tout, la formule de la rentrée de 1975 ne décolle pas. Le documentaire passe directement à la nomination de Jean-Pierre Elkabach en janvier 1977, présentée comme l’ultime solution pour rattraper TF1. En réalité, il s’agissait de nommer une personne sûre à la tête de la turbulente rédaction d’Antenne2 dans la perspective des élections législatives de 1978 qui s’annonçaient incertaines pour la majorité. Pourtant, il aurait été intéressant aussi de rappeler ce qui apparaît forcément comme une parenthèse, avec le recul du temps. De janvier 1976 à janvier 1977, c’est un trio ultra professionnel qui prend les rênes de la rédaction. Le directeur de l’information est Charles Baudinat, le rédacteur en chef est Georges Leroy (venu lui, d’Europe1) et son adjoint, faisant pourtant partie aussi des « minets », est Jean-Marie Cavada. À eux trois, ils réinventent la formule du JT. D’abord, ils changent l’identité visuelle. Adieu la déclinaison de Folon, place à un logo semi-hexagonal. Ensuite, pour la première fois, une femme présente le JT de 20 h, Hélène Vida, venue d’RMC. D’autres jeunes, comme Gérard Holtz, Patrick Poivre d’Arvor (qui n’est pas rémois mais breton), Gérard Sebag, Hervé Claude, se chargent des remplacements et des autres éditions. L’audience remonte mais à l’époque, les rédactions sont très masculines et, à part les jeunes qui n’y voient pas d’inconvénient, les cadres comme Jérôme Bellay, obtiennent qu’Hélène Vida ne soit plus à l’antenne à la rentrée. https://www.youtube.com/watch?v=dZfPzdbsofI
Ce sera plutôt PPDA qui occupera le poste, en alternance avec les autres déjà cités. Les « hommes mûrs » ne partent pas mais occupent une fonction d’éditorialistes, tout à fait nouvelle. Guy Thomas alterne avec Paul Lefèvre, selon l’actualité. Le 2e étant jusqu’alors chef du service judiciaire. La formule ne durera pas, avec ou sans femme à la présentation, car il fallait alors reprendre en main la rédaction, ce sera chose faite avec Elkabach. Il choisit, en effet, d’essuyer les plâtres de la nouvelle formule du JT mais, au contraire de ses prédécesseurs qui dirigeaient le service, lui entend aussi présenter les émissions. C’est notamment cette omniprésence à l’antenne (2) qui lui sera reprochée et conduira à son éviction à l’été 1981, après avoir fait subir son autoritarisme à l’ensemble de la rédaction. Bien sûr, on ne peut pas tout rappeler mais il aurait été bon de mentionner qu’il a aussi organisé le seul débat national à ce jour sur la question de l’énergie nucléaire. En coopération avec la rédaction de France-Inter d’où il venait et où il avait déjà sans doute commencé à préparer quelque chose, il propose des reportages sur presque tous les sujets en lien avec le nucléaire. Avec un institut de sondage, il recrute un panel de Français représentatifs, présents sur le plateau avec les représentants des 4 grandes formations politiques de l’époque : le PCF, le PS, l’UDF et le RPR. À l’époque, seul Paul Quilès pour le PS était contre. Les Français « représentatifs » étaient tous contre ou inquiets. De même, il n’a pas été rappelé que la première expérience de TV du matin, a eu lieu sous l’ère Baudinat-Leroy-Cavada, pendant les vacances de février de cette année-là. Était aux manettes, une équipe de jeunes, emmenée par PPDA, qu’on ne surnommait pas comme ça alors car il était quasiment inconnu quoi que devant sa carte de journaliste à un reportage aux Philippines qui avait été primé à un concours, plusieurs années auparavant.
Le documentaire fait la part belle aux variétés qui occupaient une large place dans les programmes de TV de l’époque. Ça plaisait puisque souvent, celles de Guy Lux battaient le monopole du film du dimanche soir. Il y avait donc un public pour ça et si elles nous paraissent désuètes ou ringardes aujourd’hui, nombreux étions-nous, jeunes à l’époque, à les apprécier et à nous reconnaître. De même Maurice Favières, qui fait partie des tout meilleurs animateurs de radio de l’époque, a talonné très souvent les JT des deux autres chaînes avec ses « Jeux de 20h ». Ça annonçait déjà la désaffection du public pour l’information et les problèmes du monde et donc le recul de la conscientisation de la jeunesse.
Danielle Gilbert est souvent citée. On dit qu’elle est la première à inviter des politiques dans ses émissions. Elle n’invitait que des membres de la majorité et se réjouissait quand un ministre, par ailleurs élu local (cumul des mandats à l’époque) s’introduisait dans son émission en direct d’une ville de province. En revanche, quand le personnel en grève du Parisien Libéré apparaissaient, profitant d’un direct, l’antenne était aussitôt coupée. C’était ça aussi la « télé de Giscard ». Oh, si ça n’existait pas avant lui, c’était parce qu’il n’y avait pas d’émission en direct d’un lieu public. Ça aussi, c’est une invention d’Yves Mourousi. C’était bien de rappeler que Supertramp a fait sa première télé en France chez elle mais Julio Iglesias aussi. J’y étais. D. Gilbert avait cessé d’inviter des hommes politiques dans son émission jusqu’à décembre 1980, soient 6 mois avant la présidentielle où elle reçoit A. Peyrefitte, alors Ministre de la Justice, qui venait de faire voter la loi « Sécurité et Liberté » qui accordait plus de place à la première qu’à la deuxième. On a oublié le contexte de l’élection de Mitterrand et pourquoi il y a eu « l’état de grâce » après mai 1981.
« Les dossiers de l’écran » sont inévitables. On n’a pas cité Guy Darbois, qui tâchait de synthétiser les appels des téléspectateurs SVP 11 11. Cette émission existait déjà du temps de l’Ortf.
C’est bien d’avoir rappelé que « Le petit rapporteur » de Jacques Martin était la première intervention d’une équipe de chroniqueurs. Il aurait été bon de citer ceux du début comme Robert Lassus, par ailleurs rédacteur en chef à RTL et de rappeler que Stéphane Collaro a intégré l’équipe, dès le départ, faute d’avoir trouvé une place dans les rédactions sportives des sociétés de radio et de télévision qui ont succédé à l’Ortf. Il était pourtant un élément majeur de celle de la première chaîne de l’Ortf. Il se présentait alors comme « le renvoyé spécial ». Bien sûr, on ne parle que de Desproges qui, contrairement à ce qui a été indiqué, a bien intégré « La lorgnette » mais n’y est pas resté. Il faut dire que comme beaucoup d’humoristes professionnels, il était hors antenne l’exact contraire de ce qu’il était à l’écran. Les relations avec lui étaient très difficiles et J. Martin comme Claude Villers dans le « Tribunal des flagrants délires » ont fini par l’exclure. Il n’a plus fait que des émissions tout seul et encore n’ont-elles pas duré. Les fous rires de Denise Fabre étaient aussi célèbres. Ils ne plaisaient pas à tout le monde. C’est qu’on ne rigolait pas à l’antenne à l’époque. C’était bien de le rappeler en passant.
Dans toutes les émissions utilisant des archives (comme « Affaires sensibles » ou le site de l’INA), on se répand sur des personnalités que tout le monde connaît et qui font l’objet de l’émission mais on ne cite pour ainsi dire jamais les journalistes ou les animateurs des émissions où ils interviennent. Dans ce documentaire, à de très rares exceptions, tous les professionnels sont cités et c’est bien, notamment pour ceux comme Claude Ruben, totalement oubliés.