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101e km
21 février 2022

Accident de chasse et rapport à la mort

Encore un accident de chasse ! Quand on aura dit qu’il s’ajoute à tous les autres et que, malgré tout, cette pratique de loisir perdure comme si de rien n’était, on n’aura rien exprimé de plus que l’exaspération devant une activité meurtrière, qui concerne un infime pourcentage de la population mais qui présente la particularité d’être flattée par le personnel politique qui aspire à gouverner. Donc, pour être élu ou réélu, il convient de faire abstraction des dizaines de morts annuels tombés sous les coups de fusils accidentels des chasseurs. Normalement, ce qui provoque des morts involontairement est réglementé et chaque occurrence inspire un nouvel arsenal de précautions. Citons la circulation automobile qui a nécessité un code de la route puis autant d’obligations et d’interdictions afin de limiter au minimum les accidents mortels. Sur les chantiers, on a aussi pris des mesures au fil des ans, port du casque, de gants, de chaussures, pose de filets etc. En sport aussi, il a fallu réglementer. Depuis qu’il se pratique au niveau professionnel, le rugby offrait ces dernières années une suite de collisions avec évacuation sur civière. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2018/12/18/36950710.html

Le protocole commotion, vise à éviter le pire et rien que sa mise en place a provoqué une prise de conscience de la part des joueurs. Pour la chasse, rien ou pas grand-chose. Le port de gilet fluorescent est une des rares mesures prises. Ça ne suffit pas à réduire à presque néant le nombre d’accidents mortels. Les parlementaires hésitent ou s’opposent carrément à toute coercition. Mieux, l’actuel Président de la République, M. Macron, candidat à sa succession, a envisagé de faire des chasseurs des auxiliaires de police en milieu rural et son compétiteur communiste a exprimé son soutien à la chasse.

Tout a déjà été dit, sauf que cette fois, l’accident doit interpeler en plus haut lieu dans la mesure où l’accident mortel a été commis par une jeune chasseresse de 17 ans. Comment en est-on arrivé là ? Depuis des décennies, des discours très genrés, venus des milieux féministes, fustigent la fascination exercée par les armes sur la seule gent masculine. Nous, les femmes, ne portons pas les armes, qu’on se le dise. C’est l’apanage des hommes toujours prêts à dégainer et montrer qui tire le plus loin. Dans le même temps, des efforts ont été menés pour que toutes les professions et tous les loisirs puissent être accessibles à tous et surtout à toutes. Dans cette optique, les organisations de chasseurs font la promotion de leur activité auprès des adolescents, intervenant dans les établissements scolaires en mettant l’accent sur la protection de la nature puisqu’il paraît que c’est en tuant des animaux sauvages qu’on les protège. On aura soin d’insister sur l’aspect écologique (qui reste à démontrer) et sur l’ouverture aux filles afin d’augmenter les effectifs. D’ailleurs, nombre de filles dans les Départements qui comptent le plus de chasseurs, accompagnent volontiers leurs pères. De là à prendre le fusil, il n’y avait qu’un pas. Si les organisations de chasseurs mettent les bouchées doubles ces dernières années, c’est notamment parce que les accidents ne sont plus mis sous le boisseau, sont dénoncés et que des voix se font entendre pour mettre fin à ce divertissement ultra dangereux qui concerne une faible minorité.

Ce nouvel accident mortel doit aussi interpeler sur le rôle de l’école qui ouvre de plus en plus ses portes à des interventions extérieures sans aucun rapport avec l’éducation. Si l’on comprend les campagnes de prévention de risques pour la santé ou pour la contraception, on a du mal à apprécier l’intérêt de la promotion du vin, de la viande ou de la chasse, en l’occurrence. Bien sûr, les collégiens sont ravis de participer à des conférences où débarquent des personnes extérieures au milieu enseignant traditionnels qui multiplient les amabilités et qui savent comment parler aux enfants, aux ados en appuyant là où ça va déclencher la réaction attendue. Les élèves accueillent avec bienveillance ces exposés qui les changent de la routine. Si en plus, il y a la possibilité de pratiquer, de déguster, d’emporter un souvenir, un gadget, un bon de réduction, c’est encore mieux et l’affaire est dans le sac. Est-ce que l’école doit se faire l’auxiliaire, auprès des très jeunes, de campagnes de promotion d’activités qui comportent un aspect commercial ? Est-ce qu’elle doit contribuer à banaliser l’usage des armes, même à des fins de loisir ? Rappelons l’accident qui a eu lieu, voici quelques années, lors d’un spectacle visant à promouvoir l’armée

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/09/08/10510067.html

Quand l’armée se met en scène, ce n’est finalement qu’une scène de film jouée en direct. Dans les films, les acteurs ne meurent pas pour de vrai ; dans ces exhibitions, non plus. Sauf que le direct ne permet pas de tout maîtriser. En banalisant l’armée, la police, on oublie les risques de ces métiers et ce sont pourtant des risques qu’il convient de ne pas oublier. D’où l’incompréhension de ces parents qui pleurent la mort de leur gars tombé en opération extérieure, terme qui fait aussi oublier que c’est de guerre dont il s’agit et donc qu’il y a en face, des gens armés, déterminés et dont l’objectif est de tuer.

L’école porte déjà une responsabilité via les conseillères d’orientation qui n’hésitent pas à inciter les collégiens et les lycéens à se diriger vers des professions qui comportent l’usage des armes comme s’il s’agissait de métiers comme les autres et dont la seule contrainte serait le port d’un uniforme. La banalisation des carrières dans la police ou l’armée, dans un pays qui n’a pas connu de guerre sur son territoire depuis longtemps et en insistant sur l’aide apportée à la population, conduit nombre de jeunes à s’enthousiasmer. On oublie – et c’est très grave – de préciser que si un professionnel porte une arme, c’est parce qu’il est susceptible de s’en servir pour défendre les autres ou se défendre soi-même contre une menace de mort.

 

La mort a disparu de notre quotidien depuis longtemps. Les convois funèbres passent inaperçus dans la circulation avec des corbillards de même couleur que nombre de véhicules utilitaires couverts de peinture métallique. Puisqu’il est question de chasse et de viande, on consomme depuis longtemps des morceaux découpés à l’avance qui ne rappellent en rien qu’un animal a été abattu. De sorte que nombre de gens, particulièrement les plus jeunes, ne font pas le lien entre une arme et la mort. Cette fille portait un fusil, prête à tirer sur ce qu’on appelle du gibier dans ce milieu. Même si l’obtention du permis de chasser est soumise à la connaissance de règles élémentaires de sécurité et de maniement d’une arme à feu, il néglige néanmoins le risque de tuer. Mieux vaut ne pas aborder les sujets qui fâchent. En attendant, on lit qu’elle a été elle-même transportée à l’hôpital en état de choc. À 17 ans, elle devra vivre avec ça quasiment toute sa vie. Voilà un résultat tangible de la banalisation de la mort et des campagnes de promotion de la chasse.

 

chasse en coursUn mot sur la photo

https://www.corsenetinfos.corsica/En-Corse-du-Sud-les-chasseurs-mettent-l-accent-sur-la-securite_a60471.html

 

On dit que les chasseurs mettent l’accent sur la sécurité mais c’est encore une inversion de la charge. Ne faudrait-il pas, les jours de chasse, poser des panneaux du genre : « Randonnée ou cueillette de champignons en cours », afin que les chasseurs redoublent de prudence et s’en aille chasser plus loin, à découvert ?

 

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Commentaires
J
Un conseil aux automobilistes allergiques à la chasse : saboter les battues en passant et repassant avertisseur bloqué sur les routes qui longent le théâtre des opérations. Pour les cueilleurs de champignons et autres randonneurs, se munir d'un sifflet, d'une radio allumée, d'un smartphone amplifié par une baffle bluetooth avec une playlist à base de death metal. Pas très nature mais cela pourrait sauver des vies... animales comme bipèdes.
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