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101e km
9 février 2022

La démocratie en question, 60 jours avant la présidentielle.

Nous sommes à environ 60 jours du premier tour de la présidentielle, soient 2 mois, et la campagne ne bat pas son plein. Jusqu’à présent, peu d’annonces, peu d’innovation, rien qu’on ne sache déjà, ni dans la forme, ni encore moins sur le fond. C’est peut-être pour ça qu’il y a aussi peu de passion alors même que les médias font le tout pour le tout. Ça annonce une abstention record tant les citoyens sont convaincus que rien ne changera. Pendant des lustres, les Français ont voté pour les mêmes en s’étonnant que la politique soit toujours la même, quel que soit le titulaire à l’Élysée. La variante (et encore), c’était que les uns favorisaient ouvertement les patrons tandis que les autres tentaient de ne pas accabler les salariés. Pour le reste, la même soumission aux instances supranationales que sont l’OMC et sa courroie de transmission qu’est l’UE, baisse ou suppression des cotisations patronales, recul du départ en retraite. Sur le plan extérieur, là où se mesure vraiment la stature d’un chef d’État, il y a une belle continuité qui consiste à œuvrer pour la paix, défendre les intérêts des pays dont la voix compte peu ou pas du tout comme ceux d’Afrique. En 2017, beaucoup (malgré l’abstention) pensaient qu’avec le renouvellement du personnel politique, les nouveaux élus à l’Assemblée Nationale, allaient imprimer un changement durable. La politique se ferait au centre (tout court) comme pour réaliser de manière posthume le rêve de Giscard : « La France doit être gouvernée au centre ». C’était le moment où il avait opéré un virage libéraliste impulsé par son PM qu’était Barre, celui qui a diffusé en France les théories fumeuses de l’École de Chicago.

Pour le moment, les sondages donnent le Président sortant en tête avec de bonnes chances d’être réélu. Une des principales adversaires qui ont quelques chances de le battre, est Mme Pécresse qui articule toute son argumentation autour du fait que M. Macron n’est pas allé au bout de son programme et pas mené ce qu’elle appelle les « réformes », c’est à dire la rétraction de ce qui a fait la grandeur de la France. Les autres familles politiques sont divisées et, partant, ont peu de chances, même en cas de présence au second tour, de battre le sortant. Tout cela est répété, analysé depuis des semaines et des mois. Autrement dit, le fossé risque de se creuser entre les citoyens et ceux qui sont censés les représenter. Déjà, la révolte des gilets-jaunes a mis en lumière une crise de la représentativité. Les citoyens n’admettent plus un scrutin qui, sous prétexte de stabiliser la gouvernance, dégage une majorité qui impose ses vues en toute occasion et réduit à néant le débat démocratique et le contrôle de l’exécutif par le législatif, pendant cinq ans, sans possibilité d’infléchir. Le groupe parlementaire le plus nombreux, constitué pour l’essentiel de néophytes, guidés par des technocrates rompus au jeu parlementaire, a donné pendant 5 ans le triste spectacle d’une assemblée de godillots tout juste bons à voter comme on leur demandait. Les rares qui se sont rebiffés ont aussitôt disparu de la circulation. La quasi totalité des amendements proposés par les autres groupes (et même par une partie de la majorité), ont été rejetés, parfois sans même avoir été examinés. Impossible de s’éloigner un tant soit peu de la doxa élaborée dans les cabinets de l’Élysée et de Matignon. On a même vu un Ministre, et non des moindres, celui de l’Intérieur, démissionner sans même un semblant de courtoisie envers son successeur, exaspéré d’avoir mis en garde l’exécutif contre la colère qui montait dans la population. Lui aussi, éliminé impitoyablement (et remplacé par qui ?) au point qu’on a oublié jusqu’au nom de M. Collomb. Pour pallier cette crise de la représentativité, on a tout entendu et l’on observe une tendance, aussi bien à droite qu’à gauche, pour rejeter la démocratie représentative et s’accommoder d’un régime autoritaire. La fascination qu’exerce un Poutine sur cette fraction de la société est significative. Pour le moment, on a surtout entendu les demandes d’exercice direct via les référendums. On a cité la Confédération Helvétique, d’un poids démographique et dotée d’institutions fédérales, sans comparaison avec la France. On a parlé de référendum d’initiative populaire ou citoyenne. On a parlé de référendum révocatoire pour demander des comptes aux élus et notamment au premier d’entre eux. On imagine la France appelée à s’exprimer massivement pour toutes les grandes questions. On serait en campagne permanente. Quand on sait que les Français s’en servent comme d’un plébiscite pour approuver ou pas la politique du PR, quelle que soit la question posée, on peut craindre la mise en œuvre d’un tel dispositif. Et puis, si l’on demandait encore aujourd'hui de se prononcer sur la peine de mort, il y a fort à parier que le résultat serait pour son rétablissement. C’est justement le rôle du personnel politique que de s’opposer parfois à l’opinion publique pour faire avancer la société sur la voie du progrès. Néanmoins, quelles que soient les faiblesses intellectuelles des appels au référendum, il n’en demeure pas moins que le confiance envers les élus et les institutions est fortement ébranlée. On peut dater le début de cette crise du référendum européen de 2005 suivi du plus formidable déni de démocratie jamais observé dans un pays comme le nôtre. À partir de là, les promesse non tenables, les directives imposées par l’UE contre le style de vie dans chaque État membre, et notamment en France, les changements de majorité qui ne changent plus la vie quotidienne, n’ont fait qu’entretenir le ressentiment et la défiance envers la politique. On peut même dire que les prémices de la crise politiques sont apparus au lendemain du second tour de l’élection de 2002 puisque la formation qui soutenait le candidat opposé au Président Chirac n’a obtenu aucune espèce de représentation dans les institutions. Même si cette formation est des plus détestables, elle méritait d’être représentée à l’Assemblée Nationale ; sauf que le système ne le permet pas. Avant, nombre de formations présentes dans la vie politique française ont été et sont encore écartées de toute instance. À cela s’ajoute un système médiatique endogamique avec le politique, qui bafoue les opinions les plus originales et surtout les moins conformes avec les partis dits de gouvernement. La plupart des candidats, à l’exception des Mme Pécresse et de M. Macron, avancent des solutions pour juguler cette crise de la représentativité. Cela va du toilettage de la Constitution, à son abrogation par la nouvelle AN, transformée de fait en assemblée constituante. Par conséquent, on pourrait croire qu’il suffirait que les Français ne votent pas pour eux pour sortir de l’impasse institutionnelle. On devine que c’est le contraire qui va se produire et que la réforme constitutionnelle n’est pas pour cette année, ni pour les quatre suivantes. Ce sont les contradictions de l’opinion publique qui, après avoir voté pour les mêmes et s’être étonné que rien ne change, s’apprête à voter pour ceux qui se satisfont du système actuel et n’ont aucune envie de favoriser un tant soit peu leurs opposants et toute forme d’opposition. Au contraire, on peut leur faire confiance pour verrouiller un peu plus le système. Après tout, n’est-ce pas le Président Hollande qui a voulu rendre publiques les signatures nécessaires aux candidats ? Dès lors, faut-il attendre de nouveaux troubles à l’ordre public, de nouvelles émeutes pour qu’apparaisse l’espoir d’un changement si minime soit-il ? En tout cas, l’exécutif y est prêt. Les forces de l’ordre ont reçu de nouveaux équipements, dont une voiture blindée telle qu’on en voit dans les régimes autoritaires. La technologie actuelle permet de prévenir les risques de troubles sociaux. Il suffit d’un cadre juridique minimum, facile à obtenir par une majorité godillot. Pourtant, une solution simple, facile à mettre en œuvre et sans tout chambouler, existe. Le scrutin proportionnel permettrait une véritable représentativité des principaux courants de pensées, y compris ceux qu’on aime le moins. Ça s’appelle la démocratie. Il y a peu de chances qu’un tel système fonctionne comme dans les pays anglo-saxons dans la mesure où la plupart possèdent des structures fédérales et une culture des compromis qui permettent de dégager, parfois après d’âpres négociations, des coalitions de gouvernement. En France, c’est absolument impensable. L’opinion publique n’en finirait pas de traiter de traîtres les élus et ministres qui travailleraient avec des personnes venant d’autres bords politiques. Il faudrait donc en passer par une prime au premier, ce qui limiterait la portée du scrutin mais permettrait au moins l’exercice d’un débat parlementaire. Aujourd’hui, les rares ténors de l’opposition sont moqués par les commentateurs et leurs caméras, et sont vite remis à leurs places par le président de séance, parfois dans l’indifférence de ministres, comme M. Castaner qui lisait son journal pendant qu’il était interpelé.

candidats 2022Maintenant, il y a un paramètre dont on ne parle pas assez, à une soixantaine de jours du scrutin : ce sont les parrainages, les fameuses 500 signatures nécessaires, présentées par les médias comme une sorte de course, avant la compétition véritable. À ce jour, seuls Mme Pécresse, M. Macron et Mme Hidalgo les ont obtenues avec une bonne réserve. On pense que M. Roussel obtiendra aussi le nombre nécessaire. Tous les autres, malgré leurs bons scores dans les sondages et leur popularité non démentie dans l’opinion publique ont de bonnes chances d’être recalés. Dans ces conditions, quelle serait la valeur de ce scrutin si d’aventure ça venait à se produire ? Quelle serait la réaction de l’opinion publique, déjà échaudée après la révolte des gilets-jaunes convertis en partie en antivax ? Le Président de la République, garant des institutions, pourrait-il laisser faire ? Dans les deux cas, il serait accusé de faiblesse et de forfaiture. S’il modifie les conditions pour se présenter (contre lui qui plus est), il sera accusé de tordre la Constitution. S’il permet que la plupart de ses rivaux soient disqualifiés d’office, son élection n’aura aucune valeur et ouvrira la voie d’une crise politique d’une ampleur inédite en France et dans les grandes démocratie.

 

 

 

Photo : https://lepetitjournal.com/expat-politique/actualites/candidats-presidentielle-2022-326937

 

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