Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
101e km
5 décembre 2021

Le stade primaire de la politique

 

Cette fois, c’est parti : finis les jeux de bac à sable. La récréation est terminée et la droite est prête.

Pas question ici de commenter une candidature plutôt qu’une autre. Les médias s’en donnent à cœur joie et ça n’a aucun intérêt d’en rajouter. Ce qui retient notre attention, c’est la façon dont ça s’est produit. Tout d’abord, abordons le point le plus facile, les sondages. Ils donnent depuis des mois une nette avance de M. Bertrand or, le voici laminé. Il arrive après M. Barnier mais l’ordre a peu d’importance, vu que tous se placent dans un mouchoir de poche. Sait-on encore ce qu’est un mouchoir de poche et même un mouchoir tout court à l’heure où tout le monde n’utilise plus que ce qu’on appelle des Kleenex ® ? C’est une autre histoire. M. Bertrand a du caractère et ça fait longtemps qu’on comprend qu’il vise l’Élysée. C’est son droit et il s’inscrit parfaitement dans la lettre et l’esprit de la Constitution. Faut-il rappeler que, théoriquement, un candidat se présente seul pour solliciter les suffrages du peuple français. C’est pour cela que sur les bulletins de vote, contrairement aux autres scrutins, figurent seulement le prénom et le nom du candidat. Après, les partis politiques ont la possibilité de soutenir l’un d’eux. Dans la pratique, c’est bien ce qui se passe depuis 1965. Seulement, à chaque nouvelle échéance, on remarque que les partis prennent de plus en plus d’importance ; peut-être parce que les personnalités des candidats sont moindres à chaque fois. On en arrive, à la faveur du quinquennat, à une élection moderne, réglée par les partis et calquée de plus en plus sur celles des É-U où les institutions fonctionnent pourtant tout autrement. Il faut croire que nombre de candidats rêvent devant les images des conventions des deux grands partis étatsuniens, leur débauche de couleurs, de logos et l’allégresse qui conclut le choix des délégués lors de la désignation du candidat. M. Bertrand, lui, croyait en sa bonne étoile et à la différence réelle entre le monde anglo-saxon et l’exception française. Il pariait sur son charisme, sur son expérience, sur son bilan à la présidence de sa Région. Il devait aussi constater que le parti LR qu’il avait quitté, se trouve dépourvu de figure présidentielle et il a fait connaître son projet depuis longtemps. Donc, les électeurs conservateurs auraient dû encourager sa démarche et l’amener au moins au second tour de l’élection suprême. C’était compter sans le poids et la logique de parti. LR compte beaucoup d’élus à tous les niveaux qui sont aptes mettre des bâtons dans les roues de n’importe quelle initiative ou, au contraire de l’encourager. Un type qui quitte son parti est toujours mal vu dans un pays qui aime que ce soit tout l’un ou tout l’autre. Bertrand est un lâcheur ! À partir de là, le soutenir n’est plus évident dans un parti où les idées comptent moins que la personne qui commande. Ne pas oublier notre analyse sur les valeurs de droite (1) qui reste plus que jamais d’actualité.

M. Bertrand a cru longtemps que les Français qui soi-disant rejettent les partis, approuveraient sa candidature qui s’inscrit dans la conformité à l’esprit des institutions voulues par le Général De Gaulle dont la mémoire est plus que jamais honorée. C’est plus compliqué que ça car, si les Français expriment effectivement un certain mépris pour les partis et pour la politique en général, au moment de voter, ils vont au plus facile et plébiscitent l’étiquette qu’ils connaissent. Une candidature solitaire oblige à lire les propositions, le programme. On va au plus simple et les partis, on les connaît, même quand ils changent de nom. Et puis, un campagne coûte de plus en plus cher et l’on voit, depuis que celle pour la présidentielle est encadrée et épluchée après coup, que chaque état-major dispose d’une équipe chargée exclusivement de voir comment dépasser le plafond autorisé, sans se faire prendre et en paraissant respecter la réglementation. Malgré tout, comme la commission chargée des comptes est influencée par l’air du temps, rien n’est jamais sûr. En d’autres termes, il n’est plus possible, de nos jours, de mener une campagne sans l’appui d’un parti qui met à disposition ses ressources, ses militants et sa logistique. En rentrant au bercail qu’il avait quitté avec fracas, M. Bertrand a paru quémander l’aide de ceux dont il ne partageait plus l’orientation. Rien de pire ! Pour devenir le candidat de la mouvance socialiste, Mitterrand avait dû participer à l’élaboration d’un nouveau parti avant d’en prendre la tête et s’imposer comme chef incontestable. Il lui a fallu quand même 10 ans et deux tentatives pour réussir, mais il lui a surtout fallu la machine d’un parti. Chirac a fait de même : fonder un parti et tenter 3 fois avant de réussir. Dans ces deux cas, l’échec aux présidentielles ne doit pas faire oublier les victoires intermédiaires qui ont, peu à peu, renforcé le socle électoral et la visibilité du parti.

On a pu observer également, à chaque élection présidentielle, que toutes les candidatures solitaires ont échoué : Royer, Debré, parfois de peu comme Balladur. Chaque fois, la machine du parti a verrouillé toute initiative et ne parlons pas des accointances entre les partis et les journalistes qui, à l’occasion, produiront un reportage tout à fait objectif, comme d’habitude, mais qui ridiculisera le candidat solitaire. On se rappelle Barre se laissant aller à valser avec son allure d’ours savant. À gauche, on a vu comment Rocard s’est cassé les dents à chaque fois. Cela fait penser à ces courses cyclistes par étapes où les leaders envoient leurs équipiers rattraper coûte que coûte les échappées, voire à former un ligne infranchissable devant, pour bloquer la course afin de ménager ses forces et d’imposer son rythme.

Un mot sur les accointances avec les journalistes. D’abord, les principaux responsables politiques et les journalistes se connaissent pour s’être côtoyés sur les bancs de Science-Po, au temps de leurs chères études. Ils se connaissent bien. Ça veut dire qu’ils connaissent leurs vies privées et leurs caractères réels. Ce n’est pas anodin et ça limite l’objectivité. Ensuite, il apparaît évident que les journalistes favorisent les partis politiques. Il n’est que de voir le nombre de citations de Mme Hidalgo et celui de M. Montebourg. Pourtant, les deux sont à la traîne mais l’on a vu comment les journaleux ont amplifié certains propos de M. Montebourg, sachant parfaitement que la gauche les désapprouverait. Il n’a pas le soutien d’un parti politique important. Même à la ramasse, un parti conserve une structure, des relais, des élus et pèse dans le débat. Tout le monde connaît encore le PCF tandis qu’on ne sait pas vraiment ce qu’est France Insoumise. On a vu, il y a cinq ans, comment un journaliste du soi-disant « service public » de l’audiovisuel a invité un « spécialiste » du Vénézuéla, le dimanche du scrutin, sachant qu’un candidat était associé à ce pays. On voit bien aussi comment depuis longtemps, les médias cherchent à imposer leurs candidats et surtout à limiter leur nombre. À peu près deux ans avant l’échéance, ils ont leur favori. Ils trouvent un faire-valoir et tous les autres sont ridiculisés, et pour faire objectif, ils leur accordent un temps de parole égal mais à des heures de faible écoute et de toute façon, ils les interrogent sur des détails sans importance. Hors de question de lire leurs programmes. Les médias sont même parvenus à obliger le très bureaucratique CSA à considérer l’équité entre les candidats en lieu et place de la stricte égalité de traitement. « Équité », comme ces choses-là sont bien dites. Il s’agit en fait d’accorder plus de temps de parole aux postulants qu’ils ont choisis, eux. Ainsi, les candidats qui disposent déjà de moins de moyens, se voient-ils privés de s’exprimer et de faire connaître leurs idées. S’il fallait voter pour des idées…

primaires-chamboule-toutDepuis le début du siècle, sont apparues les « primaires » qui permettent aux médias d’avoir quelque chose à dire en politique, vu qu’ils refusent d’analyser et de commenter les idées et les programmes. Ils amusent donc le public avec ce qui relève, normalement, de la vie interne des partis. Ils les présentent comme un enjeu national et force est de constater que ce sont des succès d’audience. C’est bien ce qui compte. Il faut donc encourager les partis à organiser des « primaires » afin de multiplier les soirées où des impétrants, à peu près d’accord sur tout, derrière leurs pupitres, vont devoir faire semblant d’être en désaccord mais pas trop, car on ne sait pas ce que l’avenir proche réserve. Lors du débat-éco (2) qui a suivi la « primaire » des Républicains, le chroniqueur Christian Chavagneux résume : « C’est la même vision générale : la France est en déclin (…) et pour se reprendre, il y a trois piliers. Il faut travailler plus, chaque semaine (se débarrasser des 35 heures) et tout au long de la vie ; on repousse l’âge de la retraite à 65 ans. Deuxième pilier, l’État est l’ennemi de l’économie, donc il faut réduire l’État : baisse massive des dépenses publiques (3) et baisse massive des impôts. Le troisième pilier (…) c’est un investissement massif dans le nucléaire (pour lutter contre le réchauffement climatique) ». Par conséquent, la compétition ne porte que sur la cosmétique et voilà à quoi est réduit le débat politique par le truchement des « primaires » : Star-Ac pour les compétiteurs, Téléthon pour les animateurs. C’est le niveau du débat politique en France au 21e siècle. On voit aussi comment, à chaque fois, le favori des médias est infirmé par la machine du parti qui organise les soi-disant « primaires ». On attendait Juppé, il y a cinq ans et c’est le terne Fillon qui est sorti du chapeau, on ne sait par quel tour de passe-passe. Ou plutôt, les spécialistes pointent le travail de M. Stéphanini, virtuose des victoires électorales. C’est sa parfaite connaissance de l’appareil du parti (RPR, UMP, LR) qui a donné la victoire à son poulain, M. Fillon, il y va 5 ans et à sa pouliche, Mme Pécresse, cette fois-ci. On comprend le glissement qui a amené le parti politique à passer du soutien à un candidat déclaré, à la déclaration d’un candidat soutenu par le parti. On a plus de mal à admettre que c’est le parti qui fasse monter en puissance le candidat le plus habile à manipuler les dirigeants et les militants. Ça revient à dire que les candidats à la présidentielle ne recueilleront pas beaucoup plus que les suffrages des seuls militants et sympathisants, là où un candidat presque indépendant peut prétendre rassembler au-delà du cercle étroit de son parti. M. Sarkozy avait obtenu l’approbation d’électeurs extérieurs à la mouvance dont il était issu. D’ailleurs, s’il y avait eu des primaires à ce moment-là, il n’est pas certain du tout qu’il ait été désigné, compte-tenu des dissensions qui existaient alors. Au centre gauche, c’est sa parfaite connaissance de l’appareil du PS qui a permis à l’incolore M. Hollande de sortir vainqueur et même de gagner la Présidence de la République.

Par conséquent, on est à présent très éloigné de la lettre et de l’esprit de la Constitution de la 5e République. D’ailleurs, on ne la connaît pas vraiment et certains, de plus en plus nombreux, réclament un changement. S’il aboutit à un renforcement du rôle des partis au détriment de la volonté populaire, il n’est pas sûr que ce soit souhaitable dans la mesure où ça équivaudrait à un spectacle médiatique parmi d’autres, sachant que, de toute façon, la politique menée ne varie pas trop malgré les alternances et que les décisions les plus importantes sont prises par l’UE en accord avec l’OMC.

 

(1) http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2007/02/27/4134862.html

où il est déjà question des primaires, des candidats vus par l’électorat de droite et surtout des 4 valeurs principales de la droite

(2) https://www.franceinter.fr/emissions/on-n-arrete-pas-l-eco/on-n-arrete-pas-l-eco-du-samedi-04-decembre-2021

(3) Au moment où le personnel hospitalier est à bout, où les classes sont surchargées, où les effectifs de police sont insuffisants pour remplir toujours plus de mission, où la Justice manque de moyens et où ses lenteurs portent préjudices supplémentaires aux victimes.

 

 

Image : https://www.youpikids.ch/a/chamboule-tout-barbapapa

Publicité
Publicité
Commentaires
J
Mécanique politique bien huilée et par là prévisible, qui vise à maintenir en place un système et les élites qui en sont les garants et, pour ainsi dire, les actionnaires les plus en vue. Les médiocrates assermentés qui en sont à la fois les courtisans et les porte-parole, remplissent d'autant plus efficacement la fonction qui leur est assignée qu'eux-mêmes profitent grassement du système dont ils sont les produits. <br /> <br /> <br /> <br /> On a là une dynamique refermée sur elle-même, qui s'accommode à chaque nouvelle campagne des gesticulations et des outrances de ses idiots utiles. L'éternelle majorité, artificiellement grossie par le lot coutumier des rabatteurs de voix centristes, convertis en godillots de carrière une fois installés dans l'hémicycle, peut ainsi poursuivre son œuvre "réformatrice" dictées par la technocratie bruxelloise. <br /> <br /> <br /> <br /> L'électorat suit à hauteur de ce qu'il a à défendre qui lui tient à cœur. On n'a pas tous les mêmes valeurs. C'est la règle, en démocratie, de défendre chacun son pré carré, et cela n'a jamais été aussi vrai depuis que notre société s'est disloquée en une dis-société en forme d'archipel que les politiques voudraient bien rassembler au sein de cette entité nébuleuse dont ils se réclament, et qu'ils dénomment "la" République. <br /> <br /> <br /> <br /> La "Res Publica", peuple roi ? Même par temps d'élection il ne l'est pas. Peuple réifié, par contre, et on l'a vu depuis l'épisode covidien. Le peuple est chosifié, infantilisé, bêtifié, c'est une machine à voter, à dire amen et à fermer sa gueule une fois refermée la porte du bureau de vote. Tant pis si, trois mois, six mois après, les rues se noircissent d'une foule revendicatrice. Cela ne rate jamais. <br /> <br /> Cela ne ratera pas davantage après les prochaines. On nous resservira les mêmes discours éculés sur le ruissellement, la nécessité des "réformes" visant à créer des richesses en allégeant les contraintes, la traque des chômeurs, la toute-puissance de l'Europe. Il n'y a plus de vox populi qui serve à quoi que ce soit lorsque le programme est unique, produit de la Pensée unique imposée comme la seule doxa. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est là où l'abstention est un acte politique. L'abstention n'est pas permettre au voisin de voter à sa place, ce n'est pas une procuration, c'est, individuellement, marquer son dédain des vains bavardages et autres gesticulations chroniques visant à un seul et même projet politique voulu indépassable, et qui se perpétue avec l'assentiment résigné des peuples. Voter pour X est voter, voter contre X au bénéfice de Y faute de mieux, c'est encore voter. S'abstenir c'est refuser X et Y qui veulent nous vendre la même pacotille différemment enveloppée, face à d'improbables challengers par trop dispersés idéologiquement pour représenter un front du refus. Le seul qui tienne alors, c'est l'abstention. S'abstenir c'est refuser d'être réifié par les tenants du système en place, c'est aussi pointer l'incapacité de ses prétendus opposants et à la radicalité et au rassemblement, dans l'intérêt des l'électorat qu'ils visent.
Répondre
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité