Pierre Weill dernière

24 mai 2021

Pierre Weill dernière

Lorsque Mme Fabienne Sintes a interrompu le journal parlé de 19 heures pour une actualité, on pouvait croire qu’il s’était passé quelque chose de grave. En fait, elle voulait simplement faire une surprise au présentateur d’un soir, M. Pierre Weill, qui achevait là sa carrière de journaliste. La chose est tout à fait exceptionnelle sur Inter pour être signalée. Au contraire, nous mentionnons au moins une fois par an que sur les autres radios généralistes, le départ ou la mort d’un confrère donne lieu à au moins une émission spéciale, prétexte à évoquer des souvenirs ou apprendre des anecdotes sur les coulisses d’une émission ou une facette de l’animateur. Nous venons justement de rappeler qu’en général, on apprend ça un dimanche soir à 22 heures. Lorsque M. Jean-Luc Hees a été appelé à la direction de la station, il a un peu parlé de son départ pendant le générique de fin en disant que ce n’était pas le genre à faire un feu de bois. On le regrette car ça fait du bien, de temps en temps, d’entendre autre chose et d’entendre des animateurs qui font la fête et d’être bousculé dans ses habitudes d’auditeur. M. Alain Bédouet qui a présenté les divers journaux de la journée, la revue de la presse et surtout « Le Téléphone sonne » pendant près de 30 ans a juste évoqué son départ, l’agrémentant de quelques souvenirs. Tout juste des auditeurs en ont-ils profité pour lui souhaiter une bonne retraite en appelant pour le sujet du soir. N’aurait-il pas été intéressant qu’il nous parle un peu de son expérience de modérateur d’une des toute premières émissions interactives (comme on ne disait pas alors), créée en 1977 par Gilbert Denoyan. Pour M. Pierre Weill, ce sont plus de 10 minutes, en fin de journal et empiétant sur la suite (impensable sur Inter depuis quelques années) où des journalistes majeurs de la station (dont M. Frédéric Barreyre) sont venus saluer leur vieux confrère.

On apprend à cette occasion qu’il a débuté sur Radio Monte-Carlo, ce qui paraît tout indiqué pour un Alsacien, surtout qu’à cette époque, la station monégasque ne portait pas beaucoup au nord de la Loire. Il animait alors une émission sur le rock n’roll qui a peut-être éveillé la vocation d’un certain Nagui. Il faut dire qu’RMC était bien écouté au Proche-Orient. À ce propos, il n’est pas certain que les auditeurs d’Afrique, du Proche-Orient ou d’encore plus loin, qui écoutent à présent RFI ou Monte-Carlo Doualiya (nom choisi pour ne pas perturber les habitudes)préfèrent des programmes qui leur sont destinés en propre plutôt que les programmes tels que les Français les écoutent. Quoi qu’il en soit, on apprend qu’il a débuté sur France-Interen 1980, en annonçant la mort de John Lenon, alors qu’il présentait les flashes d’information horaires. Il gagne ses lettres de noblesse journalistique comme correspondant permanent de Radio France à Jérusalem de 1990 à 2002, poste qui est probablement le plus risqué sur le plan professionnel mais on ne connaît pas de journalistes qui n’aient pas été à la hauteur. On regrette que « Résonance », l’émission qu’il anime de retour en France n’ait duré qu’une saison. Cette émission renouait avec la grande époque de « Synergie » de JLS, justement. Il faudra attendre « Et pourtant elle tourne » puis « Un jour dans le monde » dans un autre genre, pour renouer avec les grandes émissions d’information d’avant le JP de 19 heures. Depuis la fin de « Résonance », M. Pierre Weil a joué les bouche-trous de luxe. La station préfère le terme de «joker » mais le résultat est le même. On ne peut pas se permettre de mettre un coiffeur pour remplacer, parfois au pied levé, le titulaire d’une émission de grande écoute. La station omet aussi de préciser qu’il aurait dû remplacer M. Bédouet au « Téléphone sonne » avant qu’on ne préfère confier toute la tranche de 18h à 20 h à une vedette puis à une femme. Il y a longtemps que les auditeurs d’Inter n’écoutent plus la différence. Il faut croire que c’est ce qu’ils veulent puisque c’est depuis que la publicité est désormais présente à l’antenne ainsi que le vedettariat que la radio dite de service-public est devenue la plus écoutée de France.

Donc, cette improvisation d’une durée tout à fait inhabituelle a de quoi surprendre, d’autant que la veille, M. Weill (pardon pour l’allitération) avait annoncé à la fin du « 6-9 » du dimanche qu’il venait de le présenter pour la dernière fois, atteint par la limite d’âge. C’est d’ailleurs lors d’un remplacement dans cette même session, un certain dimanche 23 avril 2017, jour du premier tour de la présidentielle, que M. Pierre Weill invite quelqu’un pour parler du Vénézuéla en termes péjoratifs alors qu’aucune actualité ne le justifiait ; sauf peut-être à considérer qu’un candidat était régulièrement interrogé sur ses liens avec ce pays. Ce n’est pas du bon travail de journaliste surtout sur une radio qui se revendique de « service-public ». Il est dommage qu’un grand professionnel profite des moyens mis à sa disposition pour faire passer son opinion personnelle et l’imposer aux auditeurs.

J’ai une relation particulière avec M. Pierre Weil pour avoir pu échanger à l’antenne à quelques reprises dans les différentes émissions qui donnent la parole (si peu) aux auditeurs. Je puis même me vanter d’avoir mis fin au piratage de l’antenne par un auditeur lié à un groupe de pression attentif aux médias. J’ai croisé M. Weil dans Paris, voici plusieurs années maintenant mais sans pouvoir lui parler. Ajouté à mon étonnement devant cette interruption des émission, tout à fait inaccoutumée sur Inter et l’on comprendra la raison de ce papier qui ne peut terminer par une note joyeuse.