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101e km
1 juin 2021

Il est question du Rwanda

Dans un dossier comme celui-ci, on marche sur les œufs. Pourtant, ce lundi 31 mai 2021, une certaine chroniqueuse, normalement payée avec l’argent de la redevance pour faire rire, a cru bon apporter un jugement définitif sur le rôle de la France dans le génocide du Rwanda. Ça nous laisse licence pour intervenir et tâcher, en restant plus humble, de ne pas tomber dans cet écueil. En effet, il serait tout à fait déplacé de critiquer le travail mené par les historiens et autres spécialistes qui ont conclu à la responsabilité de la France. Ils ont étudié les dossiers, mené des enquêtes, interrogé les témoins, consulté les archives. Par conséquent, notre commentaire ne vise certainement pas à ajouter, retrancher ou moduler le rapport publié. En revanche, il est toujours loisible de poser des questions. D’abord, qu’en est-il du rôle de l’Ouganda ? La cellule « Afrique » de l’Élysée ne l’a tout de même pas inventé. Son tort aura été de se focaliser et d’ignorer la volonté de la clique au pouvoir à Kigali d’éliminer une partie de sa population. Le passé est ce qu’il est mais qu’en est-il du présent et du passé récent ?

 

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M. Kagamé est Président de la République depuis l’an 2000 où il a été élu par le Parlement avant d’être confirmé par le suffrage universel trois plus tard. À ce titre, il est un des plus anciens dirigeants du continent et de la planète. Il appartient à l’ethnie minoritaire des Tutsis, victime du génocide perpétré par des Hutus. Est-on certain qu’il a rétabli une paix durable entre les antagonistes ? On peut se demander si le pouvoir détenu depuis un quart de siècle à présent par la minorité tutsi ne donne pas raison à la majorité hutu qui a toujours mal vécu d’être dirigée par les tutsis, généralement appuyés par les puissances colontiales. Ensuite, le pouvoir tutsi exerce une influence considérable dans la région des Grands-Lacs. Le statut de pays martyre et de minorité opprimée assumé par le Rwanda et les Tutsis interdit toute critique. Pourtant, le Rwanda est intervenu militairement pour destituer le Président Mobutu du Zaïre, inaugurant pour ce pays une nouvelle ère de divisions, de massacres, dont l’instabilité politique traduit assez mal l’ampleur. On considère que depuis la chute du dictateur en toque de fourrure, des centaines de milliers de personnes ont disparu corps et bien. L’armée rwandaise, contrôlée par les Tutsis est intervenue au moins trois fois dans des guerres régionales. Cela permet notamment au Rwanda de contrôler l’est du pays et de piller impunément les immenses richesse de ce qui s’appelle depuis la République « démocratique » du Congo. Peu de voix s’élèvent contre ce pillage car il serait mal vu de critiquer un pays qui se remet d’un génocide. Avec des centaines de milliers de disparus – euphémisme pour ne pas reconnaître qu’ils sont morts – le Congo pourrait aussi faire figure de martyre d’un génocide à quelques heures du lieu de celui qui nous intéresse. De fait, le Rwanda contrôle l’est du Congo et notamment les provinces du Kivu, sans que beaucoup de plaintes se fassent entendre contre cette occupation de fait. Dans d’autres sphères géopolitiques, l’occupation, l’annexion ou le simple contrôle suscitent davantage de réactions et d’indignation.

Les chancelleries occidentales adoptent la discrétion la plus absolue et prennent acte de l’influence du pouvoir Tutsi à Kigali sur toute la région et même sur le continent tout entier. De plus, la stabilité assurée par la minorité tutsi au pouvoir a transformé ce petit pays en un fleuron qui semble avoir pris le tournant des nouvelles technologies. L’adoption de l’anglais comme langue officielle, outre qu’elle entretient le ressentiment envers la France, lui procure la bienveillance du monde anglo-saxon, au premier rang duquel les puissants États-Unis qui cherchent toujours à renforcer leur influence sur un continent qui ne se trouve pas dans leur pré carré. Comme les nouvelles technologies sont dominées par les É-U et la langue anglaise, le Rwanda apparaît comme le bon élève de l’Afrique. Par conséquent, on fermera les yeux sur le vol des richesses du Congo, dont le coltan et autres terres rares qui sont indispensables aux nouvelles technologies. En revanche, les investissements semblent trouver naturellement la route du Rwanda, pays désormais bien tenu et d’un niveau technologique exceptionnel sous les tropiques. La position centrale de ce petit pays lui confère également un intérêt stratégique appréciable.

Le Président Macron a su faire amende honorable en demandant aux victimes « le don du pardon ». Cela a paru satisfaire le Président Kagamé qui a tenu à répondre en anglais à son interlocuteur alors même qu’il est, sinon de langue maternelle, du moins de langue scolaire française. En faisant le choix de l’anglais et en entretenant le sentiment de culpabilité de la communauté internationale, M. Kagamé coche les bonnes cases qui lui assurent l’impunité et même les encouragements. La France, à la suite des autres pays occidentaux compromis dans le génocide d’une façon ou d’une autre semble à présent rechercher la paix avec ce petit pays si influent. Le Président Macron, espère sans doute que sa visite à Kigali lui ouvrira les portes dans les autres pays d’Afrique qui sont attentifs à l’évolution des relations entre la France et ce continent parfois, considéré comme son pré carré, du moins à l’ouest et dans la sphère francophone. Si l’on ne peut que se réjouir de tout ce qui contribue à la paix, on peut néanmoins se demander si les populations de la région des Grands-Lacs partagent le même enthousiasme. Il est vrai qu’on leur demande rarement leur avis.

 

On relira :

https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/afriquegrandslacsmdv51

 

Francophonie et conscience

 

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