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101e km
5 janvier 2021

Macron : la crise permanente

La crise sanitaire qui dure depuis près d’un an a mis sous le boisseau celle des gilets-jaunes qui a occupé l’actualité pendant plus de 2 ans, chose tout à fait inédite en France. Rappelons qu’au début, ils manifestaient sur les Champs-Élysées parce qu'ils ne connaissaient pas autre chose à Paris (à cause de la liesse après la Coupe du Monde et du défilé du 14 juillet) et qu'ils croyaient que le Palais présidentiel s'y trouve. Ce qui servait alors de ministre de l'Intérieur a autorisé ces manifestations alors qu’il n’y en a jamais sur les Champs-Élysées à l’exception de réjouissances spontanées. Il est donc directement responsable des dérives et de la casse. Peut-être était-ce voulu dans la mesure où leurs manifestations ont fait oublier toutes celles qui se déroulaient le samedi et qui portaient généralement sur l'environnement sujet de plus en plus sensible mais sur lequel le Gouvernement traîne les pieds. D’ailleurs, ce mouvement essentiellement poujadiste au départ est parti d'une protestation contre une taxe sur les carburants polluants.

Très vite, il est apparu que la crise des gilets jaunes est avant tout la crise de la représentativité. C’est le sursaut de ceux qu’on n’entend jamais et qui en ont marre de ne jamais voir leurs semblables s’exprimer et, surtout, être écoutés. Nous avons vu que leurs revendications sont connues depuis longtemps. Ce qui est nouveau, c’est que ceux qu’on n’entendait jamais, parce qu’ils s’expriment mal, parce qu’ils ne défendent pas une minorité en vue, parce qu’ils refusent aussi de s’exprimer, veulent maintenant se faire entendre et sans intermédiaire car, si l’on écoute bien leur message, que ce soit avec le référendum, la proportionnelle, l’exigence de dissolution de l’Assemblée et de démission du Président de la République, ça revient à demander le pouvoir direct et sans délégation. Ni média, ni représentant, observons au passage que les deux sont issus des mêmes formations universitaires et se sont côtoyés. Ceci explique peut-être et en partie cela.

Malgré tout, il faut entendre la colère des gilets jaunes car même maladroite et critiquable, elle témoigne d’une grave crise de notre société. Les dérives, on les connaît depuis le début mais le mouvement a débouché sur deux ou trois synthèses, sous forme de tract ou de diaporamas où figurent les principales revendications qui reprennent, à peu de chose près, le programme de M. Mélenchon à la présidentielle. Programme qui a eu du succès en librairie – ce qui est rare pour ce genre d’ouvrage – mais n’a pas permis à son instigateur de figurer au deuxième tour. Par conséquent, on est face à un paradoxe d’où l’on ne sort pas : refus des hommes politiques habituels mais adhésion de fait aux programmes de quelques uns, dont également celui de M. Lasalle qui a pris la peine de parcourir le pays, d’écouter les peines quotidiennes des gens et qui a prévenu ceux qui seraient au deuxième tour, car il ne se faisait pas d’illusion sur son pouvoir de persuasion.

 

La réalité saute aux yeux désormais mais ne s’attaque pas à la racine du mal qu’est la grande finance et le patronat, totalement absents des revendications des gilets-jaunes qui se focalisent sur le référendum, les indemnités des élus et la démission du Président de la République. Faut-il s’en étonner puisque nombre de petits patrons en font partie et assurent la logistique ? Les gilets-jaunes parlent peu du chômage des séniors alors même qu’ils sont nombreux aux ronds-points. L’assisté, c’est toujours l’autre et on touche là les limites du mouvement. La soi-disant fraternité autour du café ne doit pas faire oublier les démarches excluantes. De même que la convivialité autour de la machine à café n’empêche pas les rivalités internes. Donc, il faudrait s’en prendre aux racines du mal et de l’exploitation. L’action des gilets-jaunes a au moins cette vertu qui consiste à mettre en lumière la réalité et pas l’image de la réalité telle que véhiculée par les partis politiques et les médias. Cette réalité quelle est-elle ? Si l’ on nous dit que près de la moitié des Français ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu, ça veut dire que près de la moitié de la population touche des clopinettes. Près de la moitié de la population française touche des minima sociaux, des pensions très basses, des salaires autour du Smic ou moins s’il s’agit de travail partiel. Encore faut-il ajouter le silence sur la spéculation immobilière qui conditionne tout. Le nombre toujours en augmentation de personnes à la rue ne peut plus être dissimulé par des descentes de polices. Le nombre de personnes qui vont s’approvisionner aux Restos du Cœur et dans les autres œuvres charitables, s’il est plus discret, explose. Environ 30 % de la population renonce à se soigner. Le jeu de la spéculation tout court et la financiarisation de l’économie accapare les médias qui en dépendent mais le dénoncent pas.

 

Autre paradoxe, et non des moindres, malgré sa durée tout à fait exceptionnelle, le mouvement des gilets-jaunes ne s’est jamais traduit par le moindre jour de grève ; ce qui est corroboré par le patron du Medef qui a rappelé que nombre de chefs de petites entreprises occupaient les ronds-points au début et que, par conséquent, à aucun moment les gilets-jaunes n’ont demandé, même indirectement, même par vague allusion, une hausse des salaires aux patrons. Au contraire, ils ont concentré leurs hargne contre État, pourtant de moins en moins décideur (entre la décentralisation, les privatisations et l’UE) mais qui s’est empressé d’annoncer de nouvelles baisses d’impôts afin d’en finir avec les services publics, supprimés ou mis dans le monde marchand. Dans Chronique de la désillusion : toujours travaille jamais riche (réponse de Jérémy)

nous rappelions qu’à aucun moment les gilets-jaunes n’ont envisagé d’aller manifester sur le vaste parvis du quartier de La Défense où se trouvent les tours des grandes entreprises du CAC40, des multinationales des assurances, des pétroliers, de la finance en général.

Emmanuel-Macron-10Entre nous, ils devaient bien rigoler, du haut de leurs tours, en voyant les gueux casser la boutique de l’Arc de Triomphe et celles de ce qu’on n’appelle plus « la plus belle perspective du monde », englobant le Louvre, l’obélisque de la Concorde, les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe, l’Arche de la Fraternité à la Défense. La fumée des gaz lacrymogène ne les incommodait pas trop. M. de Bézieux pouvait bien se réjouir d’un mouvement insurrectionnel qui, curieusement, épargne les principaux responsables et se concentre sur les piliers de la démocratie que sont les élus (pouvoir législatif) et le PR avec ses ministres (pouvoir exécutif). L’absence de démocratie n’a jamais empêché les grandes entreprises de tourner. Au contraire, elles s’accommodent fort bien d’un État policier. Il suffit de voir la réussite spectaculaire de la Chine. D’ailleurs, la plupart des gilets-jaunes du début étaient demandeurs d’un peu plus d’ordre et appelaient pour ça le général de Villiers. Ensuite, tout le monde a pu observer un glissement de la population qui revêt casaque jaune. Le mouvement désordonné du début, poujadiste, anti écologiste et souvent antidémocratique a laissé la place à nombre de gens qui veulent agréger à la colère populaire les revendications habituelles et jusque là jamais prises en compte. Il faut dire aussi que les résultats obtenus par la violence de certaines manifestation a conduit à délaisser les manifestations traditionnelles pour d’autres, moins structurées et plus musclées. Le mouvement a glissé vers la gauche mais une gauche désabusée, sans parti, qui voit la population adhérer aux soi-disant « réformes » de ce gouvernement. Il suffit que les médias présentent les choses comme des « réformes », des progrès vers « plus d’égalité », des « diminutions des dépenses de l’État » pour que ça passe. Si, dans le même temps, les grèves sont présentées comme des mouvements corporatistes destinés à « défendre des privilégiés », on obtient un vaste assentiment. Finalement, la crise des gilets-jaunes est arrivée à point pour en finir avec les services publics, avec la bénédiction de ceux qui en ont le plus besoin, en échange d’une baisse des impôts. L’impôt a toujours été mal perçu en France. Avec la réduction de la voilure du navire État, c’est la fin de la Sécurité sociale qui se profile.

Au total, à la crise endémique qui dure depuis presque un demi-siècle à présent, et qu’on ne traite même plus de crise, s’ajoutent des pics comme ce qu’on appelé la « crise de 2008 ». On ne la traite plus de crise dans la mesure où commencée fin 1973, la plus grande partie de la population actuelle n’a connu que ça. Le quinquennat de M. Macron, débuté au printemps 2017 a vu une première « crise » commencer à l’automne 2018 avec les gilets-jaunes puis une autre à l’hiver 2019 avec la covid qui fait oublier la précédente. Cela fait donc 27 mois de situation de crise permanente en moins de quatre ans : du jamais vu.

 

On relira les articles d’où sont tirées les lignes ci-dessus :

Les gilets jaunes puisqu'il le faut

La réalité par le jaune (réponse à Jérémy)

Manifester malgré tout

Gilets jaunes et idéologie (réponse à Jérémy)

Gilets-jaunes, un an après : la preuve par le Medef

Le petit débat

Petit débat (2) : grandes conséquences

La mission Macron

 

 

image : https://www.20minutes.fr/

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