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101e km
2 juin 2020

Défiance - par Jérémy

 

"Une distinction est à opérer, il me semble, entre la pandémie en tant que phénomène scientifique - qui continue et dont on ne sait pas plus, quant à ce qu'il en adviendra, que ce qu'on en savait il y a six mois -, ce que les tenants du système en ont fait, et les conclusions que nous, les gens, sommes portés à tirer de ce que nous sommes en train de vivre, et sur la validité des propos tenus par la sphère médicale officielle, et sur les comportements observés parmi les tenants du système.

Je dirais que pour ce qui concerne ces deux derniers points, on se situe dans un continuum daté, déjà, de plus de trente ans, où le maître mot est "défiance". Il n'est plus besoin de souligner que la politique ordo-libérale qui nous est imposée en Europe par une nomenklatura élue au suffrage universel, est en train de connaître les soubresauts qui conduisirent l'URSS et ses pays satellites à la chute de leurs dictatures. Même s'il faut se garder, au plan historique, de comparer des épisodes appartenant à des époques et à des contextes très différents, il est tout de même une constante, qui est le rapport des peuples au système en place et à ses élites.

Rappelons que la fin de l'empire soviétique, marqué à l'Ouest par la guerre froide et l'accueil des dissidents (Sakharov, Pliouchtch, Chtcharanski, Soljenitsyne...) au sein des cénacles intellectuels, était vécue à l'Est par une propagande devenue délirante, un culte rendu, de manière obligée, à des figures vieillissantes exerçant sur les peuples un pouvoir tyrannique, un durcissement des répressions. Il n'était pas d'alternative à la doctrine communiste, malheur à qui prétendait en critiquer la doxa et a fortiori s'en écarter. Comme toute oppression, l'emprise communiste générait une omerta. Ce qui était dit pouvait être entendu, puis rapporté à qui de droit par des informateurs. La police était au service du pouvoir en place via le maintien d'un ordre qui n'était pas l'ordre social, mais l'observance de la doxa. Elle était donc une milice. Ici la Stasi, là le KGB, ailleurs la Securitate. Dans la Roumanie finissante de Ceausescu étaient interdits et sévèrement réprimés les rassemblements de plus de quatre personnes. Parallèlement, la corruption avait gagné les plus hautes sphères du pouvoir soviétique, notamment au sein du MVD, ministère soviétique de l'Intérieur, en guerre larvée avec le KGB.

On observera quelques parallèles avec la situation présente en France. Même si, répétons-le, les contextes sont loin d'être analogues, ce que nous sommes en train de vivre est un palier décisif franchi dans le processus de dislocation de ce que ses contempteurs appellent "le Système", qui recouvre un rapport à la gouvernance particulier à la France, une idéologie dominante dont on aura mis plus de trente ans à vainement prétendre faire une doxa reconnue et admise collectivement, en ce qu'elle aura toujours été vécue, par une majorité de nos concitoyens, comme une suite de politiques dictées de l'extérieur, dont les conséquences vont dans le sens d'une régression des acquis sociaux et, palpables sur le terrain, d'une dégradation des services publics et d'une extension de la précarité.

On ne peut plus dire que la propagande fasse recette tant elle est devenue caricaturale. Les éditocrates sont tournés en ridicule. Le pouvoir en place existe en vase clos, coupé d'un monde extérieur qui lui est hostile. La parole officielle est systématiquement critiquée, moquée, tournée en dérision, entendue comme une parodie. On a atteint aux sommets d'une défiance à l'endroit des élites dites républicaines et de leur cour assermentée qui n'a cessé de croître depuis les années 90. Depuis qu'il est question de sacrifices, de restrictions et de dettes pour les uns, de profits illimités, de dividendes, de parachutes dorés et d'indemnités à vie pour les autres - le tout sur fond de corruption, de scandales répétitifs et depuis quelques mois, de la montée d'un totalitarisme policier, réponse logique de tout appareil politique finissant aux velléités de contestation, de soulèvement, de subversion populaires qui sont elles-mêmes les conséquences logiques des inégalités précitées.

Pourquoi s'arrêter au seul paysage politique franco-français, puisque nous sommes en Europe et que cette nouvelle crise n'a épargné aucun continent ?

D'une part, parce que notre système franco-français, notre rapport à la gouvernance et aux élites, est singulier : il ne trouve d'équivalent qu'aux États-Unis, qui s'en sont inspirés. C'est une monarchie crypto-républicaine qui puise sa symbolique et son fonctionnement à la fois dans les antiques sociétés gréco-romaines et dans la féodalité. Monarchie dont les dignitaires habitent des palais monumentaux, s'entourent d'une cour, d'une domesticité et d'une garde prétorienne, et entretient autant de consuls qu'il existe de départements, les préfets et sous-préfets, eux-même logés dans de confortables hôtels particuliers. Chaque déplacement du monarque et de sa cour obéit à un protocole qui évoque une liturgie. C'est un système de gouvernance fragile, en ce qu'il ne tient que par la crédibilité du monarque, effective de par les actes qu'il pose au regard des promesses faites, artificielle lorsqu'elle est le fait d'une propagande qualifiée de communication, si les actes que pose le monarque se détournent ou vont à l'inverse des promesses faites.

D'autre part, la crise pandémique nous a apporté la démonstration que l'Europe n'est là qu'en tant que marché et productrice de diktats favorables aux marchés et à leur seul service. Cela, nous le savions. Le silence de la technocratie européenne durant la crise pandémique, son indifférence à la tragédie italienne, nous en auront convaincus. Il n'existe pas d'Europe politique au sens littéral. C'est d'abord et surtout un système économique sans autre idéal que le profit d'une minorité au détriment de la majorité.

Or, que nous cachent le flot d'informations et de contre-informations qui nous a été distillé depuis le début concerté de la crise pandémique, et les mesures autoritaires qui en ont découlé ? Ou plutôt, qu'est-ce qui justifierait ces mesures au-delà du danger effectif d'extension de la pandémie, quitte à y sacrifier une économie déjà chancelante ?
Ce qui justifiait, sous le régime moribond de Ceausescu, l'interdiction des regroupements de plus de quatre personnes, que les miliciens de la Securitate étaient en charge de faire respecter.
Ce qui justifie la volonté délirante de Trump d'interdire les réseaux sociaux, au motif que s'y exprimerait une critique des valeurs conservatrices. Or, ni la vigilance de la Securitate ni les regroupements interdits n'ont empêché la révolution roumaine, et il a suffi d'une bavure policière de trop pour mettre les États-Unis à feu et à sang.

Chez nous, les abcès pullulent : opposition de la rue aux réformes du Code du travail, des retraites, de la prise en charge du chômage, mouvement des Gilets-Jaunes, défiance à l'endroit de l'idéologie ordo-libérale, de la classe politique et plus inquiétant, ce qui se passe dans les banlieues, où ces dernières semaines on a pu assister à de véritables provocations ; ces ghettos placés sous la double coulpe communautaire et mafieuse où circulent armes et munitions, ces trappes à exclusion où la pègre se dissémine comme autant de métastases, creusant le lit d'une guerre raciale qui sévit au stade larvé et qui ne demande qu'à s'embraser.

On peut douter du degré de culture historique et politique de Castaner et de ses acolytes Nunez et Lallemant, mais on peut penser, et "une certaine presse", comme on disait jadis, nous le suggère, que des informations leur sont remontées des préfectures en provenance de murs équipés d'oreilles et de fenêtres dotés d'yeux. Et que ces informations les amènent à prendre les mesures qui ont été prises, naguère, par d'autres régimes politiques sur le déclin. En pure perte, puisque tous ont fini par être balayés."

Jeremy

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