Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
101e km
13 septembre 2021

20 ans après le 11 septembre 2001 (2)

Difficile d’échapper à la commémoration des attentats du 11 septembre 2001 qui donnaient au siècle commençant une idée de ce qu’il serait. Difficile aussi de trouver du nouveau tant tout a déjà été dit depuis 20 ans. 20 ans, presque une génération !

Le matin du 11 septembre de cette année, la députée Elsa Faucillon (PCF) expose le mieux la situation quand elle parle d’une « impasse historique que constitue un ordre mondial fondé à la fois sur la stratégie du choc, sur la peur mais aussi sur la puissance. Au cours du 20e siècle, on a tenté de fonder un corpus juridique, un corpus politique qui tentent de déjouer la guerre, de domestiquer la force et ça, c’est en train de se décomposer et il y a besoin de lui redonner de la vigueur. » https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50-du-week-end/l-invite-de-7h50-du-we-du-samedi-11-septembre-2021

Capture d’écran 2021-09-13 092434Pour le dire autrement, nous avons cru, nous, dans les pays industrialisés, que nos valeurs son universelles parce qu’elles ont permis le progrès économique et social qui a apporté le confort au quotidien, notamment en matière sanitaire et alimentaire, et la démocratie même imparfaite. Surtout, nous croyons qu’elles sont universelles parce qu’elles mettent au-dessus de tout le respect de la vie humaine et que tout le monde respecte la vie humaine. Rien n’est plus faux. Rien n’est moins naturel. Selon sa culture ou ses croyances, on peut être convaincu que la vie humaine est un phénomène biologique merveilleux ou une transition ou qu’elle appartient à une force supérieure qu’on ne maîtrise pas et à laquelle il convient de se soumettre. L’universalité, on la croyait atteinte et entérinée avec la création de l’ONU après la deuxième guerre mondiale. Un mot sur cette notion de guerre mondiale. C’était au départ un conflit sur le continent européen qui, faute de vainqueur européen s’est élargi aux alliés d’un camp. Est-ce que le monde entier s’est senti concerné par cette guerre ? Poser la question, c’est y répondre. En revanche, le monde entier a été impacté par un conflit qui opposait les plus puissants. Notre conviction que les valeurs dites universelles avaient triomphé d’un totalitarisme, a conduit à penser que seules ces valeurs méritaient d’être défendues et surtout que rien d’autre n’existe en dehors. Par conséquent, la création d’une organisation regroupant tous les pays du monde afin de prévenir les guerres, était fondée sur des bases erronées. La diplomatie active qui a suivi la fin du deuxième conflit mondial a amené tous les pays du monde, notamment ceux de création récente, à y adhérer parce que, finalement, ça ne coûtait pas grand-chose. L’ONU entretenait l’idée qu’elle offrait un vaste forum où les vieilles nations se trouvaient à égalité avec les plus jeunes. Pourtant, on peut douter de la conviction de certaines au moment d’apposer leur signature. Par exemple, est-ce que les Saoud ou les Soviétiques approuvaient sincèrement la Déclaration Universelle des Droits Humains qui conditionne l’appartenance à l’ONU ? Certainement pas mais ils ont signé en sachant que de toute façon, il n’y aurait aucun moyen de les contraindre à s’y soumettre. Le principe selon lequel les membres de l’Organisation s’abstiennent de faire la guerre, a été bafoué dès le début, notamment par les jeunes États issus des colonies. Peut-on en vouloir à des pays qui se constituent d’en passer par les phases belliqueuses qui ont entaché l’Histoire des pays d’Europe et d’Amérique pendant des milliers d’années ? Les guerres territoriales sur ces continents n’ont véritablement cessé qu’au milieu du 20ième siècle, au moment où ces jeunes nations émergent. Tant que l’avance technologique conférait la primauté aux pays de ces continents, demeurait l’espoir que les valeurs qui les fondent malgré tout soient répandues et deviennent universelles. Pourtant, il est vite apparu que bien que les défendant sur leurs territoires, les grandes nations les bafouaient à l’extérieur en soutenant des forces obscures chargées d’affaiblir leurs ennemis. Dans le même temps, l’accès à une partie de ces technologies a permis à des groupes d’attaquer leurs initiateurs avec leurs propres armes et de leur infliger de lourdes pertes.

 

À la question posée désespérément par une témoin des attentats des tours de Manhattan (« Pourquoi nous détestent-ils ? »), la réponse qui vient à l’esprit est : parce que vous avez aidé des ennemis de nos peuples au nom de la défense de vos valeurs. Comment croire au respect de la vie quand on cherche à inventer des armes toujours plus puissantes ? Comment y croire après Hiroshima ? Comment croire en la liberté et aux droits de la personne humaine quand ceux qui s’en prétendent les hérauts soutiennent ceux qui asservissent leurs peuples ? Les conflits issus de la guerre froide, la défense d’intérêts particuliers et commerciaux au prix de l’anéantissement de forces de progrès dans le monde ont accrédité la conviction que les valeurs soi-disant universelles ne sont qu’une vaste blague destinée à tromper les peuples du monde. Comment croire au respect de la vie humaine et à la démocratie quand ceux qui s’en réclament s’en détachent au gré de leurs intérêts ? De sorte que les principes fondateurs de l’ONU ne sont plus respectés. Pire, nombre de membres de l’Organisation les rejettent et en appellent à présent au respect de leurs valeurs à eux. Surtout que les dernières tentatives d’interventions extérieures pour imposer les valeurs de démocratie et de respect de la vie se sont soldées par des guerres qui ont tué nombre de civils, ont amené le chaos et substitué une dictature à une autre. Est-ce cela l’universalité des valeurs défendues par les grandes démocraties ? Plus personne n’y croit, plus personne n’en veut puisqu’elle se traduisent par davantage de souffrances pour les peuples déjà opprimés. Même la notion de paix – qui découle du respect de la vie – n’est pas universelle. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment le Conseil de Sécurité décide d’interventions armées ou que des membres s’opposent au règlement d’un conflit. La montée en puissance de forces qui défendent d’autres valeurs que le respect de la vie humaine a établi une concurrence de fait et c’est un véritable conflit dont le premier acte s’est joué le 11 septembre 2001 mais l’acte fondateur, sans lequel rien n’aurait jamais été possible, s’est déroulé autour du 1er février 1979. Une phrase attribuée à différents auteurs, partie prenante de ce conflit de valeurs devrait faire réfléchir sur la soi-disant universalité : « Nous aimons la mort comme vous aimez la vie »

 

Une fois le constat posé, que faire ? Tout d’abord, il faut en finir avec ce principe d’universalité des valeurs. L’idéal, serait de (re)trouver la démarche du professeur Keating du film « Le Cercle des poètes disparus », à savoir changer de point de vue. Tout le monde connaît cette scène d’anthologie cinématographique mais bien peu font l’effort de grimper sur une table pour voir le monde autrement. Ça passe par l’éducation et la connaissance de l’autre avec ses valeurs. Seulement, il est bien évident que ça ne peut pas se faire que d’un côté et que tous doivent accomplir l’effort de vouloir connaître l’autre et les valeurs qui l’animent. La difficulté vient de ce que chacun est persuadé de la supériorité des siennes et de la nécessité d’y amener les autres, de gré ou de force.

Elsa Faucillon a eu raison de rappeler le lent cheminement qui a conduit à souhaiter un monde où les conflits se régleraient dans le cadre de ces corpus juridique et politique. Le bilan c’est que pour être entre les mains de puissances qui ont mis leurs valeurs en avant mais s’en sont servi pour défendre leurs seuls intérêts, elles sont rejetés désormais par la plus grande partie de la population mondiale qui, loin de vouloir y adhérer, les considère comme des instruments destinés à les soumettre.

D’abord, la première chose, c’est d’accepter que nos valeurs ne sont pas forcément les meilleures parce qu’elle placent la vie humaine au-dessus de toute autre considération. Il faut accepter que d’autres considèrent que la vie appartient à des forces que nous ne maîtrisons pas. On en pense ce qu’on en veut mais il faut au moins, accepter ce point de vue ou, plus exactement, accepter que d’autres y adhèrent. Il faut accepter qu’en dehors de ces deux systèmes de valeurs qui s’affrontent depuis quelques décennies déjà, il y en a encore d’autres et qu’au total, notre système de valeurs n’est pas le plus partagé dans le monde. Il ne l’a jamais été. Seulement, dans des temps plus anciens, on pouvait en rester au stade de la découverte et de la relation de ces découvertes. On pouvait s’en amuser à la manière de Montesquieu. Aujourd’hui, avec la facilité des échanges, c’est un brassage de près de 8 milliards d’individus qui ne partagent pas les mêmes valeurs avec de forts contingents qui veulent prendre le dessus sur les autres. En d’autres termes, ça passe par la connaissance, l’éducation et par conséquent, la tolérance mais il ne faut pas inverser l’ordre. Amener des groupes antagonistes de plusieurs dizaines de millions d’individus à s’accepter, se parler, se respecter, relève de la gageure. Doit-on pour autant y renoncer et se mettre en position de défense ? Doit-on renoncer aux corpus juridique et politique ? Il ne peut en être question mais il faut renoncer à la naïveté et au complexe de supériorité qui donne le droit de s’imposer partout et à tous.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité