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101e km
1 septembre 2021

Fier d’être marseillais !

 

Difficile d’échapper à cet auto-collant quand on va à Marseille. On le trouve sur presque toutes les voitures, sur les gouttières aux coins de rues, dans les bureaux de tabac où l’on peut se le procurer. Il en existe des déclinaisons avec notamment le sigle OM, le club de football bien connu. En fait, il n’existerait pas, on ne parlerait pas plus de Marseille qu’on ne parle de Bobigny par exemple. La comparaison tient la route dans la mesure où les deux villes sont chef-lieux de Départements, abritent donc des administrations importantes où se prennent les décisions. Pour le reste, il ne s’y passe rien, à part quelques faits divers qui défraient la chronique de temps en temps, quelques attaques et règlements de comptes à mains armées, des morts de plus en plus jeunes par armes de guerre, des policiers qui sont vus par une partie de la population comme une force armée d’occupation. On se sent peu français dans ces villes, d’où « fier d’être marseillais ».

Marseille possède des atouts incomparables. La ville, vieille de plus 2600 ans s’est construite autour de son port, pas encore « vieux », de sa population bigarrée et dynamique, de son soleil et de l’économie de la mer. Pourtant, bien que deuxième ville de France par la population, agglomération majeure d’un pays prospère, autrefois puissance sur la scène mondiale et qui joue encore un rôle influent, le port de Marseille n’arrive toujours pas à devenir le premier port de la Méditerranée. Les ports italiens sont mieux placés, tant pour les conteneurs que pour les cargos traditionnels et même les paquebots de croisière, très à la mode. Ces dernières années, ce sont des ports grecs, marocains et surtout espagnols qui se disputent la première place et les suivantes immédiates.

Il y a quelques années seulement, le touriste qui arrivait en voiture à Marseille, pouvait s’arrêter juste avant le Vieux-Port, dans un recoin à l’abri d’une vieille forteresse. C’était une halte idéale avant de prendre la bateau pour l’Algérie ou la Corse, ou avant de poursuivre son chemin vers les plages de la côte. On pouvait alors se dégourdir les jambes après un long trajet sous la chaleur méridionale, humer l’air du large, contempler cette grande bleue et rêver de ce qui se trouve de l’autre côté, là-bas, là-bas. On y croisait sur un sol défoncé par les anciennes activités portuaires les gens du coins, des pêcheurs. Si l’on arrivait vers midi, il n’était pas rare que l’un d’eux sorte une bouteille pour trinquer avec un collègue ou de voir une famille marocaine ou algérienne posée sur une nappe et prenant le dernier repas sur la bonne terre de France avant de retrouver « le pays », la famille et les amis.

Le touriste en transit et en voiture pouvait ensuite reprendre sa route, comme dans un rêve en passant par la corniche et en se régalant du paysage marin qui s’offre à cet endroit sinueux où chaque virage offre une surprise. La route qui était harassante jusqu'à Marseille devenait alors une promenade vacancière malgré la chaleur. Le touriste s’attarde peu à Marseille où rien n’est vraiment fait pour l’accueillir et encore moins le retenir. S’il devait y passer la journée ou plusieurs jours, il goûterait aux embouteillages quasi permanents dès 16 h et jusqu’à presque 20 h et ne parlons pas du matin où ceux qui se rendent au travail sont en compétition avec les livreurs et les bennes à ordure. Les voitures garées en double ou triple file sont légion. On aime critiquer, à Paris, les initiatives du baron Haussmann mais grâce à lui, la capitale s’est dotée de rues où l’on voit le ciel en levant la tête, et d’artères qui relient astucieusement les quartiers, les faubourgs, les portes. Seulement, une grande ville comme Marseille montre ce qui arrive quand on n’a pas effectué les travaux appropriés. On a beau appeler « boulevards » des rues de 5 m de large et de 150 m de long, il y a peu de grandes artères dans les arrondissements centraux et elles sont toujours encombrées. La fameuse Canebière n’en est que l’exemple décevant pour qui en a entendu parler et ne voit que des trottoirs bordés d’agences de voyage, de banques et de quelques rares commerces qui ne créent pas d’animation. Il faut se déporter sur la rue longue des Capucins et le marché de Noailles pour s’imprégner de l’atmosphère méditerranéenne.

Pour le reste, le visiteur a vite fait le tour. Il doit y avoir quelque chose comme quatre musées dont le Mucem dans un environnement froid et déshumanisé, là où les Marseillais aimaient flâner autrefois. On aime rappeler la fondation de la ville par les Grecs phocéens mais on cherche en vain des empreintes de leur établissement. On trouve quelques ruines à l’ombre d’un centre commercial mais sans plus d’explication. Marseille garde par endroits le souvenir des villages qui l’ont composée, la Pointe-Rouge au sud, l’Estaque au nord mais, là encore, il faut connaître et rien n’est vraiment indiqué pour y s’y rendre. Quant à s’y poser, garer sa voiture, il faut compter avec la chance. L’itinéraire pour y parvenir traverse des installations techniques liées à l’activité de la mer, des bâtiments abandonnées. On y trouve une sorte d’autoroute urbaine qui n’en offre aucun des avantages mais tous les inconvénients, dont celui de séparer le quartier proprement dit, avec ses commerces et le bord de la mer.

Si l’on arrive en train, c’est la galère assurée. D’abord, la gare en terminus n’est plus adaptée depuis des lustres à la population de Marseille et de la France. Certes, la gare routière se trouve à côté mais ça veut dire aussi que la gare Saint-Charles n’est qu’une correspondance. Rien n’a été prévu pour construire une gare internationale à l’image de la Part-Dieu à Lyon ou même de l’antique gare de Perrache. Il faut comprendre aussi qu’il n’y a pas de ceinture autoroutière genre « périphérique » autour de Marseille. Le trafic en transit passe nécessairement par le centre qui, nous l’avons vu, n’est absolument pas adapté à un lourd trafic. Un autoroute rentre dans Marseille mais il faut passer par les rues pour rattraper l’autre autoroute à l’autre bout. Ça a été quelque peu amélioré dans la mesure où, désormais, l’arrivée à Marseille ça veut dire s’enfoncer dans des tunnels interminables où il ne faut pas rater la sortie. Pour se garer, il faut sur-payer une place dans un parking géré par les amis de l’ancien maire Gaudin. Comme beaucoup de ses collègues, il a voulu « rendre la ville à ses habitants » pour reprendre la formule habituelle. Ça veut dire qu’il a interdit la circulation dans les rares artères où l’on pouvait quelque peu rouler et même stationner, le tour du Vieux-Port et la Canebière, justement. Son successeur poursuit dans cette voie d’écologisme répressif consistant à « rendre la corniche aux Marseillais » qui n’en demandent pas tant, surtout que pour approcher des plages en contre-bas, comment faire si l’on n’habite pas à proximité ? Or, personne n’habite au bord de la mer où se succèdent les villas. La conséquence est bien évidemment le report du trafic sur les autres rues déjà surchargées. Pas de périphérique, donc, mais une rocade intérieure, « le Jarret » construite sur une rivière devenue souterraine. On projette de la rouvrir par endroits mais, bien entendu, on n’a pas étudié le report du trafic. L’idée de cet écologisme étant que les contraintes vont obliger à abandonner progressivement et sous pression l’automobile.

Marseille a connu son apogée au moment du Mondial de 1998 qui a permis de réaliser des travaux programmés depuis longtemps et toujours retardés. Le J4, justement, aménagé en parking pour le stade, pourtant loin, avait dégagé un espace au bord de la mer où l’on pouvait arriver en voiture si l’on venait de loin mais le plus souvent à pieds. C’était le plaisir de ne rien faire et de profiter de la ville et de la mer. Les dalles bien propres autour du Mucem et les façades bien blanchies de la Major et des environs sont trop lisses pour attirer le petit peuple de Marseille. La nouvelle municipalité, à l’instar de beaucoup aujourd’hui, s’est lancée dans la guerre à l’automobile consistant à interdire les voies les plus roulantes sans penser à des solutions pour reporter le lourd trafic dans une ville portuaire, qui plus est la deuxième de France. Elle veut interdire la corniche. Comment se rendre à la plage ? Le tour du Vieux-Port était un espace mixte. Les trottoirs sont assez large pour s’y promener sans se bousculer, loin de là. De l’autre côté, ils ont été élargis en 1998 pour agrandir les terrasses des bars et des restaurants. Le comble a été atteint cet été quand toute circulation a été interdite, y compris les bus donc, laissant la chaussée vide puisque, même en été, les trottoirs existant suffisent pour les promeneurs qui n’ont rien demandé. On avait là un bel exemple de partage de l’espace urbain entre piétons et véhicules mais il a fallu, par dogme, y mettre fin.

La situation de Marseille, deuxième ville de France, est à ce point préoccupante que le Président de la République a décidé d’y passer trois jours, ce qui est du jamais vu pour une seule ville et en France. On entend les commentaires des journalistes parisiens qui parlent de Marseille comme la capitale de la Méditerranée. On retrouve bien là le défaut principal des Français qui leur valent la réputation d’arrogance à l’étranger. Marseille est loin et même très loin de pouvoir jouer ce rôle. Non seulement le port éparpillé sur plusieurs communes n’est pas à la hauteur d’un grand pays qui possède la deuxième façade maritime du monde mais la ville ressemble plutôt à une métropole du Tiers-monde, avec un centre délabré et souvent insalubre et des faubourgs qui s’étendent de manière peu coordonnée pour faire face à l’accroissement de la population. La ville qui est deux fois et demi plus grande que Paris ne compte que deux lignes de métro et le tram est quasiment superposé au métro, de sorte que la plus grande partie de la ville, et la partie la plus peuplée et de loin, n’est pas desservie par des transports en commun efficaces.

Capitale de la Méditerranée ? À une époque, Barcelone et Marseille étaient deux villes à peu près comparables mais il y a longtemps que Barcelone fait la course en tête et de loin. On ne compte pas les attraits de Barcelone, en termes de sièges de grandes entreprises, d’infrastructures aériennes, ferroviaires, routières et autoroutières. Les musées, les théâtres, les cinémas sont nombreux, idem pour les bars et les restaurants. La capacité hôtelière est incomparable avec celle de la cité dite phocéenne. Les lieux de détente, de divertissements sont nombreux et forcément, la population a augmenté et continue d’augmenter. Les entreprises continuent de s’y installer. Et puis, il suffit de voir les agences de voyages européennes qui proposent des weekends à Barcelone mais jamais à Marseille. Au point que Barcelone a commencé à prendre des mesures pour recadrer les courts séjours.

Finalement, Marseille ressemble à sa gare, vieillotte, plusieurs fois transformée mais si la façade est bien jolie – encore que pas monumentale – elle demeure toujours aussi peu pratique et peu fonctionnelle, que ce soit pour les voyageurs ou pour les trains eux-mêmes. Un goulet d’étranglement à l’entrée en rend la gestion difficile et puis, ça ne mène nulle part. Ça veut dire que quand on arrive à Marseille, on n’en sort pas. La ville ouverte est un leurre. Le cosmopolitisme de sa population est une illusion. On vient certes du monde entier, port et traditions obligent, mais on reste dans son quartier, on ne se mélange pas et on cultive une mentalité de ville assiégée.

marseille 2021 - b

Léo Ferré aimait Marseille qu’il a chantée plusieurs fois. Il se produisait au Théâtre Toursky et descendait dans un hôtel d’où il pouvait admirer « la Notre-Dame ». Maintenant, on pourrait parodier ou adapter sa chanson écrite pour Paris qui pourrait s’intituler : Marseille, je ne t’aime plus.

 

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Commentaires
J
Marseille, où je suis passé à deux reprises en coup de vent. Un hall de gare aux hautes glaces termies par la crasse, où une famille de maghrébins se partageait des pizzas à même le sol jonché d'immondices. Avant ça, arrivée sur la ville par le car, sur une rocade jalonnée de vieilles barres dont certaines, promises à la démolition, étaient marbrées de tags. Avant d'apercevoir sur la droite un bidonville, passage à proximité de la Maison-Blanche, énorme barre des années 60 séparée en son centre par une barre plus petite en angle droit. Façades grises hérissées de paraboles, traces d'incendie dans les étages. Cette cité a la réputation d'être la plus dangereuse de France. J'ai voulu en savoir plus et j'ai fait une recherche qui a donné ceci :<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=5YpRgb_4MN0<br /> <br /> <br /> <br /> Ce n'est pas l'enfer décrit par certains rappeurs locaux, qui semblent se complaire dans le négatif. On voit dans ce documentaire amateur une solidarité qui s'exprime, un dispositif de sauvetage pris en main par des femmes de la cité et des militants. Suivez cette vidéo jusqu'au bout, elle remet les choses à leur place. <br /> <br /> <br /> <br /> Le Mucem. Bâtiment que j'ai trouvé illisible. Pour qui se pique d'architecture, un édifice est lisible comme peut l'être une sculpture, une œuvre picturale, une fresque, c'est à dire qu'au premier coup d’œil, on l'intègre en soi, on comprend ce qu'a voulu exprimer son créateur. Plus loin, la Major était fermée pour travaux. Je voulais visiter la grande église des Réformés, fermée aussi ce jour-là : elle menaçait ruine. Elle a depuis été confiée aux soins des Compagnons de Castellane ( https://www.cdcsas.fr/restauration-eglise-reformes-marseille-video/ ), société marseillaise spécialisée dans la restauration et la sécurisation de monuments anciens : https://www.cdcsas.fr/ . <br /> <br /> J'ai eu le plaisir, en une autre occasion, d'échanger longuement avec deux de ces Compagnons, à propos notamment de ce vaste édifice néo-gothique qui le clergé marseillais avait envisagé de consacrer en tant que cathédrale avant de décider l'édification de la Major, dans le quartier du Panier, de style néo-byzantin, voisine d'une ancienne église romane datée du XIIème siècle, sur l'emplacement d'un temple paléochrétien. <br /> <br /> <br /> <br /> Un coup de métro, dont nous sommes sortis sains et saufs, avec la personne qui m'accompagnait, et nous voilà rond-point du Prado au pied d'une orgueilleuse tour des années 70, à quelques pas du Stade Vélodrome et de la "Maison du Fada", œuvre de Le Corbusier. <br /> <br /> <br /> <br /> Petit aperçu marseillais, donc. Que j'espère dépourvu des clichés ordinaires. <br /> <br /> Un détail, quand même : à chaque fois que nous nous égarions, les personnes à qui nous demandions notre chemin se mettaient en quatre pour nous éclairer. Lors de ma seconde incursion marseillaise, avec une amie qui tenait le volant, deux jeunes femmes se sont proposées de nous escorter jusqu'à notre destination. Démarrage à la Starsky et Hutch de leur petite Fiat, il suffisait de ne pas en perdre la trace. Nous fûmes rendus en un clin d’œil. Imagineriez-vous pareille faveur à Nice, Paris ou Lyon, Bordeaux, Strasbourg ?
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