Marius et Guy

Pour une fois, je vais laisser l’émotion prendre le dessus et puis, il s’agit de foot alors, ce n’est pas très grave non plus, encore que. J’avoue que le soir, pendant l’Euro 2020 qui se joue en 2021, j’écoute plutôt l’émission sportive sur Europe1 qui présente l’avantage de donner la parole à des spécialistes plutôt mieux inspirés que les commentateurs mais c’est pas très difficile en ce moment.

Tout a commencé, il y a quelques temps, quand on a demandé aux invités sur le plateau quelle équipe ils aimeraient voir en demi-finale. Quand est venu le tour de Guy Roux, il a tout de suite répondu, l’Ukraine ; ce qui lui a valu les moqueries et l’hilarité des autres. L’ancien technicien bourguignon s’est alors justifié. Je cite de mémoire : L’Ukraine est un pays qui vit des heures terribles (…) alors, si une victoire pouvait apporter un peu de joie à ce peuple ukrainien qui souffre, ce serait bien. Malaise dans le studio où les autres, visiblement, ne se posent pas de telles questions. J’ai souvenir, lors d’une édition de la Coupe du Monde de je ne sais plus quelle année, d’un match États-Unis – Iran. Les deux pays se haïssent jusqu’à la mort depuis 1980, au moins. Sans doute la rencontre a-t-elle été préparée à l’avance par les chancelleries et la diplomatie de la FIFA. Toujours est-il qu’arrivés sur le terrain, les deux équipes se sont rencontrées, offert des cadeaux, mélangées et ont posé ensemble pour une photo qui aurait dû être historique. Comme il s’agit de foot, les gens sérieux ne regardaient pas et les amateurs de foot ont dédaigné un geste qu’ils ne comprenaient pas avant une rencontre sans importance. Donc, personne n’a rebondi. Personne n’a jugé utile de souligner ce geste d’espoir et l’on sait le poids des médias dans les grandes décisions. Pour une fois qu’on voyait brillamment l’utilité des rencontres sportives qui devraient toujours être de fraterniser. En attendant, chapeau Monsieur Guy Roux !

Ensuite, après la qualification discutée de l’Angleterre aux dépens du Danemark, l’invité d’honneur sur le plateau (au téléphone plutôt) était Marius Trésor, ancien défenseur et capitaine de l’équipe de France, longtemps détenteur du nombre de sélections à une époque où se jouaient moins de rencontre que de nos jours ; surtout que la France était très souvent éliminée des grands tournois. Marius Trésor était un joueur extrêmement sympathique, toujours souriant et très efficace dans son jeu. Il vient de sortir un livre de souvenirs et le journaliste l’a interrogé sur le chapitre qu’il consacre à Jean-Pierre Adams. On a oublié Adams car, victime d’un accident sur le terrain, il est dans le coma depuis 38 ans ! Il venait d’avoir un petit enfant quand c’est arrivé. Adams et Trésor étaient associés en équipe de France où le duo était surnommé « la garde noire ». Il est très rare que soit évoqué le drame de Jean-Pierre Adams. Dans les années qui ont suivi son hospitalisation, on a organisé des petits matches de foot pour recueillir des fonds pour sa famille et puis plus rien. Comme sa carrière a été interrompue, il n’a pas marqué l’histoire du football. C’est tout à l’honneur de Marius Trésor de l’avoir rappelé et à celui du journaliste Lionel Rosso de l’avoir interrogé longuement sur ce sujet. Comme on a vu dans le paragraphe précédent, c’est pas trop dans les coutumes des milieux sportifs de mettre en avant le côté humain. On s’écharpe plutôt sur des futilités montées en épingles pour faire croire que le sport n’est pas seulement un divertissement.

Marius Trésor, retiré depuis longtemps, a aussi évoqué Michel Hidalgo (relire Michel Hidalgo, un avant et un après.) qui lui a confié le brassard de capitaine et Stéphane Kovacs qu’on fait passer aujourd’hui pour un intérimaire alors que tout est parti des méthodes et de l’esprit qu’il a insufflés à une équipe de France à l’agonie quand il l’a trouvée. Marius Trésor est aussi intelligent et lucide sur les à-côtés des rencontres et les petits arrangements comme celui évoqué un peu avant dans l’émission par Guy Roux. Nous y reviendrons après la finale. Pour preuve, son intervention capitale dans l’excellente émission de M. Drouelle sur le fameux match de Séville en 1982 où il est par trop évident que tout a été fait pour que l’Allemagne soit qualifiée pour la finale. Et quand on demande à Marius Trésor si ce serait possible aujourd’hui, il répond : « Mais bien sûr ! ». On en a eu l’exemple la veille, justement.

On réécoutera donc : https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-06-mai-2020

Sacré Marius !