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101e km
28 janvier 2021

Si qu’on reparlait du triangle de Gonesse ?

On croyait, après l’abandon du funeste projet Europacity que ce serait fini mais c’est la foire d’empoigne pour le transformer ; car il faut croire qu’on a vraiment besoin de le transformer. Dès qu’ils ont un quelconque pouvoir, les humains se sentent obligés de modifier leur environnement. Pour peu qu’ils soient élus politiques, ils se sentiraient déshonorés s’ils laissaient les choses en l’état, se contentant de les améliorer. Non, il faut qu’ils puissent dire, à la fin de leur mandat quand ils voudront être réélus : J’ai demandé ceci (ce sera fait si vous me ré-élisez), j’ai obtenu cela et rien que pour ça, je mérite d’être réélu. Sous le défunt Président Giscard, son Secrétaire État à la Jeunesse et aux Sports avait proposé qu’on laisse, dans les villes, des terrains pour jouer au ballon, et qu’importe qu’ils n’aient pas les dimensions réglementaires. Bien évidemment, aucun maire ne l’a suivi, quand bien même disposait-il d’un terrain pouvant faire l’affaire. Au contraire, la première chose qu’il aurait dite après son élection, aurait été qu’il fallait en finir avec ce terrain vague, cette friche et, quelques années plus tard, il aurait mis en avant des questions de sécurité. Ce ministre, comme maire d’une ville moyenne (on pouvait cumuler à l’époque) ne l’a pas fait chez lui. Qui aurait été élu en proposant de mettre à disposition des jeunes un terrain non aménagé ? Par conséquent, le maire actuel de Gonesse veut accueillir une gare sur une ligne qui va relier les aéroports du Bourget et de Roissy. Déjà, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle ligne quand on sait que l’aéroport du Bourget n’accueille plus depuis une bonne quarantaine d’années que des vols privés et des avions pour les voyages d’affaire, autrement dit, une clientèle qui ne prend pas le métro et sûrement pas avant de monter dans un jet privé. Dans le même temps, on n’arrive pas à obtenir une liaison rapide entre Paris et l’aéroport de Roissy. On pensait qu’avec les JO, ça donnerait une impulsion mais les spectateurs devront encore se mêler à la foule des banlieusard qui rentrent ou partent au boulot. La ligne actuelle est déjà bien chargée aux heures de pointe. Le tribunal administratif vient de valider en appel un PLU. Donc, Europacity ne se fera pas mais les terres prévues seront bétonnées quand même. Le maire y tient pour que l’Histoire se souvienne que c’est lui qui a œuvré pour créer des logements et autres équipements publics qui manquent tant.

triangle de gonnesseL’Histoire, parlons-en un peu, justement. Gonesse se trouve dans la plaine de France, celle qui a donné son nom à notre pays et dont la région d’Ile-de-France conserve le souvenir. Cette région est la plus riche de France et depuis fort longtemps. Elle doit sa richesse principalement à la qualité de ses terres qui ont permis de bien nourrir ses habitants, de leur donner de la force pour se défendre et même un peu plus. Alors que le pouvoir romain avait choisi Lyon comme capitale des Gaules transalpines, la chute de l’empire a permis la montée en puissance de la grande ville sur la Seine qui bénéficiait de l’agriculture pratiquée dans les plaines alentour, la Brie, la Beauce, le Vexin et la France. Bien nourrie, la population peut croître et profiter d’un avantage numérique sur d’éventuels agresseurs, jaloux de la qualité de vie de leurs voisins. Entre parenthèse, c’est aussi ce qui explique le poids démographique de la France, puissance agricole de très longue date qui permet de comprendre pourquoi la France existe à peu près sous sa forme actuelle depuis si longtemps avec une capitale à Paris, au milieu des meilleurs champs de blé d’Europe. Pourtant, cet avantage a fini par devenir un inconvénient car si la terre et bonne et permet de bien nourrir une population toujours plus nombreuse, il faut bien loger cette population qui, de plus, va développer ses activités à proximité. De sorte que les villes implantées forcément dans des lieux choisis et intéressants finissent par bouffer leur héritage et leur capital terrien. Rien qu’après la deuxième guerre mondiale, il a fallu bétonner pour loger, implanter des bureaux, des usines, des villes nouvelles, construire des infrastructures, des routes, des autoroutes, des chemins de fer, des aéroports internationaux et même un parc de loisirs sorti des bonnes terres de la Brie avec routes, autoroutes et voies ferrées pour y amener la clientèle internationale. À l’heure de la PACS, l’approvisionnement de la Région Ile-de-France n’est pas menacé. Rungis qui est une ville-marché* reçoit des fruits, des légumes, de la viande, des poissons du monde entier. Par conséquent, on n’a plus besoin de cultiver des légumes frais à proximité et l’on peut, sans inconvénient, continuer de bétonner la région parisienne et toutes les terres arables plates, les meilleures, autour des villes. Seulement, les mentalités changent peu à peu. L’empreinte écologique devient une obsession, voire un fanatisme. L’opinion publique est de plus en plus hostile au transport au long cours. On ne veut plus des asperges du Pérou ni des haricots verts de Chine. C’est là que des édiles comme Mme Hidalgo à Paris font preuve d’une imagination qui force l’admiration. Pourquoi ne pas cultiver des légumes (bio !) sur les toits de Paris ? On a commencé. Pour le moment, il n’y a pas de résultat tangible mais il y en aura, soyons-en sûrs ! Autrement dit, les terres qui sont faites pour ça sont « artificialisées » (euphémisme pour ne pas rappeler le béton connoté négativement), tandis que sur les dalles de béton, sur les terrasses goudronnées (pour l’étanchéité), on va faire venir de la terre (d’où, au fait?) et la répandre, juste ce qu’il faut pour laisser des racines se développer. Les courges ne nécessitent pas beaucoup de terre. En d’autres termes, on marche sur la tête mais les maires qui veulent continuer de bétonner rencontrent ceux qui veulent verdir leurs villes. Les premiers logeront ceux qui ne pourront pas se payer des logements avec vue sur les nouveaux jardins en terrasses et les seconds bénéficieront de la bonne terre, juste avant de laisser les toupies intervenir.

Dans le genre, marchons ensemble sur la tête, on apprend aussi que dans la perspective des JO de 2024, des jardins ouvriers, parmi les derniers de la région parisienne vont être bétonnés pour faire une piscine. Ça se passe à Aubervilliers qui manque d’équipements sportifs de loisirs. Pour faire bonne mesure, la municipalité va proposer aux jardiniers un stade abandonné. Sans vouloir faire de jeu de mots facile, c’est là qu’on voit que nos élus, nos décideurs vivent hors-sol. Une bonne terre, c’est aussi une terre qui a bénéficié de soins pendant des dizaines d’années, des siècles parfois. La qualité de la terre n’est même pas comparable entre des jardins potagers, arrosés, tournés, retournés sans relâche depuis si longtemps et un stade posé un sol urbain, truffé de socles de béton, de ferraille. Le bon sens voudrait qu’on construise la piscine à l’emplacement de ce vieux stade pour conserver au site sa vocation sportive. Seulement, l’élu pourra se prévaloir d’avoir demandé une piscine avec solarium et tutti quanti et d’avoir offert un terrain aux jardiniers du dimanche.

Ailleurs, toujours pour les JO, on veut construire des équipements pour les journalistes, en partie sur un parc arboré. Là encore, pour compenser, on va dépolluer un terrain industriel tout proche et y replanter l’équivalent des arbres abattus. On pourrait penser qu’il suffirait de construire sur l’ancienne friche et continuer de voir pousser des arbres déjà anciens. Nenni ! Une partie du problème vient de ce qu’il est plus rapide et plus facile de bétonner une bonne terre agricole ou boisée que transformer une ancienne usine. Outre que le terrain coûte moins cher, il n’y a pas besoin de démolir, de refaire des fondation, d’expédier au loin les gravats, les métaux, les déchets qu’on ne peut pas recycler. C’est comme ça le site de Citroën à Aulnay demeure à l’abandon depuis des années et n’est pas près d’accueillir un centre commercial ou des logements sociaux ou des équipements collectifs. On n’y implantera pas plus une de ces « zones d’activités » dont on peut s’interroger sur l’utilité puisque il s’agit généralement de relocalisations d’entreprises déjà implantées dans le coin mais qui cherchent un meilleur emplacement. Donc, très peu d’emplois sont créés.

Dans ce contexte, on écoutera dimanche 31 janvier 2021, l’excellente émission de M. Denis Cheissoux, spécialiste de l’écologie réaliste et réelle depuis plus de vingt ans, consacrée au triangle de Gonesse : https://www.franceinter.fr/emissions/co2-mon-amour

Au delà des questions d’environnement et d’urbanisme, d’emploi, d’économie, d’autarcie alimentaire, de croissance, le fond du problème semble tout de même l’irrépressible besoin des humains de transformer la nature et, si possible, de la contrarier, comme pour montrer la domination complète de l’humain sur la Terre, tout ce qui y vit, tout ce qui y pousse, tout ce qui s’impose.

À l’heure où l’on parle de circuits courts, de localisme, d’écologie, qu’on fustige le transport de denrées alimentaires qui pourraient être produites à proximité, il est tout à fait insensé et même criminel de continuer de bétonner de bonnes terres arables.

 

On relira

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2010/03/01/17087192.html

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2020/01/26/37973116.html

 

*le M.I.N. de Rungis occupe 234 ha soit l’équivalent de la Seine-Saint-Denis ou plus de 3 fois celle de Paris

 

https://www.la-croix.com/France/Pot-terre-contre-pot-fer-jardiniers-dAubervilliers-rebiffent-2021-01-15-1201135051?

https://www.marianne.net/societe/au-triangle-de-gonesse-la-guerre-sur-lavenir-des-terres-agricoles-reprend-de-plus-belle?

https://www.20minutes.fr/paris/2946547-20210106-seine-saint-denis-habitants-refusent-parc-transforme-village-medias-pendant-jo?fbclid=IwAR2LnwduQ23p_zK-zfxEr_PEM-Wn7eQuiKstqre1TH5_fWl3XY42ZXSoJ9I

 

 https://www.lesechos.fr/pme-regions/actualite-des-marches-publics/une-association-propose-de-convertir-le-triangle-de-gonesse-a-lagro-ecologie-1208833 

 

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Commentaires
S
Commentaire de l'ami Jérémy qui a des problèmes avec les fonctions de Canalblog :<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Étranger à la région parisienne, j'ai cependant le souvenir de l'interminable suspense du trou des Halles, objet de débats, de polémiques, d'anecdotes quelquefois savoureuses rapportées par les humoristes de l'époque.<br /> <br /> <br /> <br /> Des projets absurdes, on en a connu dans toutes les villes. A Nice où je vivais, ce fut la Promenade du Paillon, jardins suspendus sur des structures de métal et de béton qui abriteraient un parking et une gare routière. Pour le profane, le Paillon est la rivière qui arrose Nice et qui a été recouverte en son centre pour gagner de l'espace. Ladite Promenade a vu le jour au début des années 70 ( https://i1.wp.com/www.nicerendezvous.com/car/images/stories/per-carriera/paillon-promenade.jpg et https://storage.googleapis.com/hippostcard/p/9ffed120f2a3c44f6ab084bb702e59f3.jpg ) .<br /> <br /> <br /> <br /> Très vite elle a été le lieu de rendez-vous de tout ce que la ville pouvait compter de marginaux, toxicomanes, clochards, au point que son parking a été sitôt adopté sitôt déserté par les usagers soucieux de leur sécurité. Ensuite, la gare routière n'a pas tardé à montrer ses failles : il a fallu en refaire les plafonds qui s'effondraient et le revêtement des quais, mal conçu, où les cars s'enfonçaient. Le mini-centre commercial qui jouxtait cette gare n'a jamais abrité qu'un vague snack, les clientèles éventuelles étant rebutés par la présence des groupes de clochards qui avaient élu domiciles sous ces structures abritées. L'on reprocha en outre à la Promenade du Paillon de couper la ville en deux, et de casser la jolie perspective sur la vieille ville visible depuis la rive droite. <br /> <br /> <br /> <br /> Au final, la Promenade fut démolie plus rapidement qu'elle ne fut édifiée, voici dix ans, pour laisser place à une magnifique coulée verte richement arborée et baignée de bassins à jets d'eau ( https://www.irresistible-riviera.fr/images/decouvrir/coulee-verte-nice/coulee-verte-nice-4-m.jpg et https://media-cdn.tripadvisor.com/media/photo-s/0d/c2/7f/61/reflective-beauty.jpg ).<br /> <br /> <br /> <br /> La question que l'on peut se poser est pourquoi un tel projet n'a pas été imaginé voici un demi-siècle ? La réponse tient en partie à ce vieil adage latin, o tempora o mores. Qui nous vaut de recourir aujourd'hui à des solutions abandonnées jadis, telles que le tramway, le trolleybus, le parc, la voiture électrique dont rappelons que les premiers balbutiements datent de la fin des années 50 dans le domaine des voitures de série : https://insideevs.fr/news/389317/henney-kilowatt-renault-dauphine-electrique/ et https://www.automobile-propre.com/dauphine-electrique-usa/<br /> <br /> <br /> <br /> Peut-être le prochain avatar du projet de Triangle de Gonesse, né d'une énième crise, sera la création d'une montagne artificielle destinée à l'élevage ovin, avec des coteaux dédiés à la culture maraîchère. Après tout il n'y a pas de montagnes autour de Paris. Que n'en créerait-on une ? Ce ne serait pas plus absurde que d'envisager des centres commerciaux implantés dans des secteurs où la population ne dispose pas de pouvoir d'achat ! Voilà qui irait dans le sens du projet décliné dans l'article des Échos dont tu nous communiques le lien, tout en jouant la carte du défi qui tant plaît à nos idéologues ultralibéraux !
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