Rika Zaraï ou comment travaillent les journalistes
La mort de Rika Zaraï nous sert de prétexte à rappeler les occurrences où nous en avons parlé afin de dénoncer les raccourcis, manipulations et, pour tout dire, désinformations opérés et par qui ? Hélas ! Hélas ! Hélas ! Comme aurait dit le grand Charles, par des hommes dont c'est le devoir, l'honneur, la raison d'être, d’informer le plus rigoureusement possible. Or, on voit bien qu’à mesure que la corporation des journalistes devient pléthorique, avec la multiplication des médias et des supports pour diffuser l’information, la facilité est souvent la règle. Ce que nous avons le plus souvent dénoncé, c’est l’utilisation, parfois sans aucun travail d’interprétation ni encore moins de vérification, des dossiers de presse fournis par les attachés du même nom et, le fait qu’il suffise qu’un journaliste lance une formule, une information pour qu’aussitôt tous les autres lui emboîtent le pas. On retrouve la même chose avec les prononciations étrangères. La première fois qu’un nom apparaît, celui qui le prononce essaiera, non pas de bien le prononcer (facile aujourd’hui avec les noms anglais vu que tout le monde l’a appris) mais plutôt de proposer une prononciation la plus bizarre possible comme pour prouver une compétence supérieure. Qu’on se souvienne du joueur de tennis Jim Courier qui avait un nom trop français pour satisfaire l’étalage de connaissances. On l’a donc entendu appelé [courir] pendant toute sa carrière. Le comble, c’est quand la prononciation erronée permet des jeux de mots que seuls des francophones avec des rudiments d’anglais peuvent comprendre et, en tout cas, sûrement pas les anglophones. C’est comme ça qu’on fabrique des idées reçues.
Dès lors, on ne s’étonnera pas que beaucoup de gens, se jettent sur des moyens d’information qu’ils jugent plus fiables, en tout cas plus honnêtes dans la mesure où ils vont dans leur sens. On a déjà remarqué que, paradoxalement, la multiplication des moyens d’information enferme un peu plus le grand public dans un milieu où il ne côtoie plus que des gens qui pensent pareil et lisent des informations qui les renforcent dans leurs convictions ou, pire, leurs errements alimentés par les arguments spécieux et les fallaces ou fake news en bon français. Là encore, il suffit que l’un d’entre eux découvre un mot anglais pour qu’aussitôt il soit repris par les autres.
Nous proposons des extraits d’articles sur le même thème afin d’éviter les redites :
La palme revient au livre de la chanteuse Rika Zaraï qui, sortant de son registre habituel (faute impardonnable), l’a vu réduit par les soins du seul à l’avoir lu, au seul paragraphe sur les bains de sièges.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2019/11/09/37775205.html
C’est ce qui a été dénoncé, ici même et qui pourrait s’appeler « le syndrome Rika Zaraï », pour prendre un exemple léger et sans conséquence mais qui montre bien le fonctionnement des journalistes. Rappel des faits : la chanteuse avait publié une livre de recettes de cuisines à base de plantes et de tisanes. Elle prodiguait un certains nombre de conseils de bien-être et d’hygiène comme il s’en publie des dizaines chaque année. Seulement, elle seule a abordé les bains de siège. Du coup, tout le monde s’est persuadé que c’est le sujet de son livre. Il suffit qu’un journaliste lise un livre, voie un film et en extraie quelques lignes ou dialogues pour que tous les autres le reprennent. Il y a peut-être pire. Ce sont les dossiers de presse, ces plaquettes destinées aux journalistes et dans lesquelles on explique doctement les intentions de l’artiste, du cinéaste (notamment), la « démarche de l’auteur » et ce qu’il convient d’en dire. On y trouve toutes les références citées par les journalistes (le technicien qui a travaillé avec un cinéaste prestigieux par exemple), l’explication des blagues, les quelques références culturelles. Tous les journalistes reprennent ces pseudo-infos, avec le même verbiage prétentieux que dans les dossiers de presse. Il n’est même pas nécessaire de voir l’œuvre elle-même pour en parler. Il a suffi, autrefois, avant l’élection du Pdt Carter qu’un journaliste mentionne qu’il était négociant en arachides pour qu’un correspondant français traduise par « marchand de cacahuète » et, aussitôt, on s’est gaussé, ici, de ces Américains qui allaient élire un minable qui gagnait sa vie en vendant des cacahuètes.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2016/11/13/34559874.html
La plupart de ceux qui en parlent lisent le dossier de presse, cherchent les fameuses intentions, puis la quatrième de couverture qui accompagne le dossier. Dans le meilleur des cas, on lira quelques pages par ci, par là. Dans d'autres, on lira les pages qu'un journaliste a déjà évoquées. Le summum, en la matière, avait été atteint, autrefois, avec le livre de Rika Zaraï, résumé au paragraphe consacré aux bains de siège. Ce n'est pas le cas de Nicole Ferroni mais elle assimile l'ouvrage de Houelbecq à ceux parus, peu avant, de Zemmour et d'Onfray. On peut penser, sans même les avoir lus, qu'ils n'ont rien de commun. De plus, les uns et les autres n'évoluent pas dans la même cour. Un polémiste, chroniqueur de son temps, un philosophe, un romancier. Qu'importe ! Le nivellement est tellement inscrit dans les raisonnements que tout devient pareil. Un pays où les détenteurs de la parole citent à l'envi Desproges quand leurs aînés se référaient à Sartre ou Marcuse, qui met Mimie Mathy en tête de ses personnalités préférées et lui attribue la Légion d'honneur, ne peut plus faire la différence entre les types d'auteurs de livres.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2015/01/08/31278925.html
Thierry Roland avait excusé la défaite des Verts de Saint-Étienne en finale de la Coupe d'Europe de 1976, par les poteaux de buts qui étaient carrés. On atteignait un sommet du mauvais esprit mais, encore aujourd'hui, il s'en trouve pour rappeler ce détail et reprendre l'argument. En d'autres termes, le pouvoir médiatique montre là son étendue. En fait, il suffit qu'un média, quel qu'il soit, balance une affirmation pour que tout le monde suive le mouvement. Un média en ligne prétend que la FFF a débattu d'un moyen pour limiter le nombre de Noirs dans l'équipe de France et, encore aujourd'hui, on parle de « l'affaire des quotas dans le foot ». Peu importe qu'il n'en ait jamais été question. Ces exemples dans des domaines anodins prouvent l'impact des médias.
Autre indication du pouvoir médiatique, c'est la caricature la plus connue de Thierry Roland le fameux « tout à fait Thierry ! ». En fait, l'éponyme avait repris un tic de langage pour en faire le titre d'un de ses livres : « Tout à fait Jean-Michel ». Larqué étant à ses côtés pour apporter des explications techniques, elles étaient ponctuées de cette formule par l'autre qui ne voulait pas demeurer en reste et qui manifestait sa satisfaction de faire équipe avec un ancien joueur qu'il admirait beaucoup. Évidemment, pour parodier le duo, les imitateurs ont détourné la formule et c'est la formule caricaturée qui est restée : « tout à fait Thierry ». Pouvoir des médias ? Qu'on se souvienne que le fameux « Mangez des pommes ! » de la campagne de Chirac a la même origine et qu'il en avait fait son emblème !
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/06/16/24509752.html
Un éditeur vient de publier les confessions posthumes de Sœur Emmanuelle. De toute sa vie, combien riche et fertile en actions, les journalistes qui en ont lu les bonnes feuilles n’ont retenu que les lignes consacrées par la religieuse au plaisir solitaire. On nous avait fait le coup, des années plus tôt avec le « petit juge » Lambert qui reconnaissait que l’affaire Grégory lui avait causé des troubles de l’érection. Il ne s’étalait pas là-dessus et ça ne prenait que la place nécessaire aux quelques mots pour l’écrire. Encore avant, la même espèce de journalistes n’avait extrait du livre de Rika Zaraï que ses recommandations concernant les bains de siège. Plus récemment, dans le dernier livre de l’Abbé Pierre, on a retenu que le prêtre avait parfois tiré son coup et n’en avait pas retiré toute la satisfaction qu’il en attendait.
Un ou deux journalistes ont lu effectivement les ouvrages en questions, en ont tiré des propos peu significatifs et les ont monté en épingle. Leurs confrères se sont évité la peine de les lire et leur ont emboîté le pas. Dès lors, l’opinion publique tient pour argent comptant ces caricatures et se permet de se gausser des auteurs. On voit qu’il est très facile de démolir quelqu’un ou, du moins, de lui coller une étiquette.
http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2008/10/24/11089758.html
On peut hélas (encore) écrire que ça continue puisque pour évoquer la mort de la chanteuse, on dit que son plus grand succès est « Sans chemise et sans pantalon ». C’est évidemment faux, d’abord parce que c’était déjà un succès aux Antilles d’où vient cette chanson et parce qu’il y en a eu d’autres autrement plus marquants. Seulement, comme Rika Zaraï est oubliée depuis longtemps, les jeunes journalistes encore présents dans les rédactions au moment des fêtes ont noté un titre amusant dont ils avaient entendu parler, avec une allusion vaguement grivoise (on est en France) et les autres ont suivi comme un seul homme. Tout ça pose question car, ce qui est fait pour un sujet sans grande importance, peut l’être pour d’autres sujets sans qu’on puisse vérifier dans ses souvenirs ou à l’aide des moyens dont on dispose facilement aujourd’hui. Rika Zaraï a eu un indéniable succès populaire à la fin des années 1960 et jusque dans les années 1970 mais n’aura pas marqué le patrimoine de la chanson française. Ensuite, ses livres de bien-être n’ont pas non plus révolutionné le genre ni apporté quoi que ce soit d’innovant. Depuis, il y a eu des quantités de bouquins de ce genre qui ont été publiés. Maurice Mességué avait ouvert la voie et depuis, bien d’autres ont suivi mais il avait déjà plus ou moins tout dit. Par conséquent, on peut raisonnablement penser que, en cette période trouble, entretenue par une crise sanitaire inédite dans son traitement, nous entendons quantité d’approximations, de confusions, de manipulations sans pouvoir faire la part des choses.
Un mot sur Rika Zaraï qui a eu sa petite heure de gloire et dont la mort est annoncée à l’ombre de celle, la veille du grand acteur Claude Brasseur. Cette génération a complètement disparu et la suivante compte déjà des absents. Aujourd'hui, comme dans les médias, il y a pléthore d’acteurs et, malgré le talents indéniable de beaucoup d’entre eux, il n’est pas facile de se détacher et de perdurer tant la concurrence est forte et tant les choses vont vite. Sans doute la génération des Brasseur, Marielle, Noiret, Rochefort est-elle la dernière à avoir marqué, par le nombre de films à leur actif, le cinéma français.
On relira :
Information et bains de sièges
Les médias se trompent et nous Trump
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