France Inter : la musique par défaut
Il n’est pas anodin de trouver la musique en dernier dans la présentation de la station dite de service-public, à savoir Inter (en gros car il y a longtemps aussi qu’elle ne s’adresse plus à toute la France), après l’info, la culture et l’humour. Il y aurait beaucoup à dire aussi sur l’humour et nous y reviendrons peut-être bientôt mais en attendant, intéressons-nous à la musique. Il se trouve que depuis le début de la grille d’été, Inter nous gratifie, tous les soirs, 7 jours sur 7 donc, d’un concert ou d’extraits de concerts. Seulement, on comprend que c’est contrainte et forcée que la radio diffuse ou rediffuse ces concerts, faute d’avoir pu instaurer des programmes d’été, avec des émissions comme on l’entend sur le « service-public », à savoir l’animateur et « mon invité aujourd’hui ». le reste du temps, la musique sert surtout à boucher les trous malgré une programmation rigide de laquelle on a du mal à échapper. Fini le temps où « mon invité » pouvait demander à entendre un disque ou même, lorsque c’était un chanteur, on passait de préférence ses chansons. Maintenant, dans ces cas-là, on écoute un extrait et l’on demande à « mon invité » de commenter l’extrait. Faut-il remercier la covid 19 pour nous permettre d’entendre, tous les soirs, de la bonne musique ; bonne musique parce que le choix convient ou non selon ses goûts. Ça s’appelle « Le Festival Imaginaire » et il est paradoxal que l’antenne qui est noyautée par des soixante-huitards ou de plus jeunes dans leur lignée aient oubliée l’imagination au pouvoir au point de la considérer comme un pis-aller. C’est bien d’entendre de la musique, des morceaux avec une orchestration originale pour le public, sans la publicité pour une banque qui se prétend encore mutuelle et d’avoir l’impression d’y être car, très souvent, quand on y est, on ne voit pas mieux que si l’on était devant son poste de radio tant il y a du monde et qu’on ne s’est pas mis en frais pour le public.
Tous les soirs, donc, un concert et l’on est surpris quand on entend la date. Parfois, c’était un concert d’il y a un peu moins de dix ans et l’on a l’impression qu’il a été enregistré l’an dernier. Ainsi, celui d’un certain Nile Rodgers que ma culture éclectique ignorait pourtant. Malheureusement, mes occupations estivales ne m’ont pas permis de l’écouter en entier mais quelle n’a pas été ma surprise en entendant le premier morceau « Upside down ». Ah ? C’est donc lui qui a fait ça. J’avais compris dans la présentation de M. Matthieu Conquet qu’il a formé le groupe Chic pour lequel je n’avais aucune attirance. Chic, c’était le disco et je déteste le disco. Il se trouve que ce genre a commencé alors que j’étais militaire et je remarquais des similitudes entre le disco et la musique militaire car, dans les deux cas, on n’entend que la grosse caisse sur laquelle il faut taper le plus fort possible et, pour le public, effectuer un mouvement du talon gauche. Un type comme Cerrone s’était fait connaître en tapant un peu plus fort que les autres malgré quelques mélodies pas toutes désagréables. Alors, cette vague disco où les morceaux s’enchaînaient sans qu’on s’en aperçoive, n’était pas pour moi. Il y avait bien quelques exceptions mais dans l’ensemble, c’était assez mauvais. Pourtant, comme tout le monde, j’avais la faiblesse d’en apprécier quelques uns sans qu’il y ait une raison objective. Je me souviens surtout de ces discussions âpres pour savoir si tel groupe était encore « rock » ou était tombé dans la soupe du disco. Moi, j’étais intéressé par ce qu’on appelait à l’époque la « new wave » (le terme est repris à chaque nouvelle vague) et tous ceux qu’elle a drainés comme Ian Dury, Elvis Costello, Little Bob Story, The Clash, Blondie, Kraftwerk et même Plastic Bertrand sans oublier Patti Smith qui n’en était pas mais s’est fait connaître dans ces années-là. En fait, je formais mon goût en écoutant « Feed Back » de Bernard Lenoir qui, à l’époque, était encore ouvert à plusieurs styles. Heureusement, il y avait le reggae qui nous réconciliait tous. À l’époque, tout le monde a compris que c’était une lame de fond et que le mouvement serait irréversible. En France, on a vu les vedettes locales se lancer dans le disco et le public a fait mieux que suivre. Disco, c’est trop ! Mais impossible d’y échapper. Très vite, le disco s’est insinué dans toutes les musiques si l’on voulait gagner sa vie. Les meilleurs ont intégré une batterie un peu plus forte que nécessaire. En France, des groupes avaient trouvé l’astuce d’une simple boite à rythme. Il faut reconnaître que ça plaît. Alors, le groupe Chic et son « Freak out ! Le freak, c’est Chic » – en français dans le texte – ça n’était pas ma tasse de thé. Par conséquent, malgré un très agréable « Upside down », aucune raison de rester près du poste écouter son concert de 2013 au cours de Jazz à Vienne.
Eh bien, j’ai eu tort car lorsque je suis revenu, c’était le moment d’interpréter « Spacer ». Là, j’avoue que ce morceau, avec l’introduction bien connue mais une orchestration nouvelle, ça devient de la très bonne musique. « Let’s dance » ? C’était donc lui aussi. Mais alors, c’est un génie ! Ce mec a signé, comme auteur-compositeur ou comme producteur, les plus grands succès depuis quarante ans. Le concert se termine en apothéose avec « Good times » et même « Freak Out » m’est apparu mieux que supportable en appréciant l’inventivité des arrangements. On aurait voulu que ça ne cesse pas. En fait, pour la scène contemporaine, Nile Rodgers a effacé un peu l’obsédante batterie et adopté un tempo un peu plus funky du meilleur effet et il reste le meilleur, la musique.