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101e km
2 août 2023

Valeurs du dimanche

Screenshot 2023-08-02 at 21-21-56 La grève au JDD reconduite jusqu'à mardi va dépasser la durée de celle d'i-TéléAprès 6 semaines de grève, les journalistes du Journal Du Dimanche doivent jeter l’éponge. Leur mouvement n’a servi à rien. La direction, les propriétaires du journal restent sur leur position. En l’occurrence, il s’agit d’imposer un nouveau directeur de la rédaction, proche de l’extrême-droite et remercié de Valeurs Actuelles pour ses positions ; c’est dire. Le JDD quoi que n’étant pas vraiment de gauche, est un hebdomadaire grand public, que toutes les sensibilités peuvent lire sans être perturbées. L’arrivée d’un rédacteur marqué politiquement change évidemment la nature du journal. On n’allait pas, au JDD, appeler un professionnel marqué quelque peu à gauche* mais de là à repêcher un journaliste d’extrême-droite licencié par un magazine très à droite, il y a un pas que bien peu auraient osé franchir. C’est chose faite. Ce qui nous paraît important dans l’histoire, c’est que désormais, les mouvements de grève, les mobilisations ne servent plus à rien. Vertbaudet aura sans doute été le dernier contre-exemple.

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/06/03/la-greve-a-vertbaudet-debouche-sur-une-revalorisation-des-salaires-on-va-retourner-travailler-la-tete-haute_6175993_3234.html

L’an dernier, dans la ville d’Auxerre, les éboueurs ont tenu plus de 2 mois sans que le Maire ne cède quoi que ce soit. https://www.ouest-france.fr/bourgogne-franche-comte/auxerre-89000/auxerre-en-greve-depuis-plus-de-deux-mois-les-eboueurs-jettent-l-eponge-et-reprennent-le-travail-2453d852-3025-11ed-9e46-e8e99a9e99a0

D’une manière générale, la prophétie auto-réalisatrice de M. Sarkozy, en son temps, s’observe tous les jours dans tous les conflits. Désormais les grèves n’impactent plus. Voire. Ce n’est pas qu’elles n’impactent plus, c’est que les décideurs n’imaginent même pas négocier. C’est toujours non, non et non ! Nous avions souligné à quel point, depuis le début du siècle, les grèves et les manifestations sont rejetées par la population. http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2019/05/10/37327333.html

Les médias montent en épingle le moindre mouvement de grève. Pourtant, il est facile de se documenter et de constater qu’il n’y a jamais eu aussi peu de grèves en France. Elles se comptent par dizaines de journées à présent quand c’étaient des milliers dans les 1970s. La grève est devenue insupportable ; les manifestations aussi. Bien entendu, on ne peut parler de ce sujet sans évoquer la mobilisation pour défendre les régimes de retraite qui s’est achevée par un non-lieu, un refus de toute discussion, même dans le cadre policé du parlement. La Première Ministre a eu recours à un cabinet de constitutionnalistes pour opposer successivement les articles 47.1, 49.3 puis 40 pour bloquer toute discussion. Désormais, il y a celui qui décide et ceux qui font appliquer la décision, par la force s’il le faut. Le reste n’est que valetaille et plèbe sans intérêt. Ça se voit au niveau de la moindre entreprise jusqu’au sommet de l’État, en passant par les grands groupes industriels. On peut se croire revenu au temps où les Maîtres de forges dirigeaient le pays par personnes interposées ou, du moins, imposaient leur volonté quel qu’ait été le résultat des élections. De nos jours, c’est encore plus facile, vu que de moins en moins d’électeurs font le déplacement les jours de scrutin ; et ce n’est pas le coup de force du Gouvernement sur les retraites qui va inciter à aller voter. Les directives imposées par l’UE sont bien commodes pour ne pas tenir compte des résultats des élections.

Il en ressort que désormais, la population est tellement habituée à n’être pas consultée ou prise en compte, qu’elle ne cherche même plus à contester. Pire, elle ne tolère même plus la contestation, quand bien même elle se trouve concernée. La résignation, l’acceptation de toutes les contraintes s’observe dans tous les domaines. Il n’est que de voir comment le public, les médias ont accepté sans broncher qu’à la fin du championnat de football de cette année, 4 équipes de 1ère division descendent en 2e division, au lieu de 2. Ça n’a pas fait un pli. Pourtant, concrètement, ça veut dire que 4 équipes de 2e division perdent leur statut professionnel et que concrètement, il n’y aura plus, d’ici peu, d’équipe de football professionnelle dans les villes moyennes. À terme, il n’y aura plus qu’une dizaine de clubs friqués comme PSG qui évolueront ensemble, les autres feront de la figuration et fourniront des jeunes formés dans leurs centres. Dans tous les domaines, on fait passer des lois ou règlements qui favorisent toujours plus les puissances de l’argent et même dans le domaine du divertissement, on renonce à contester. La décision est prise et l’on obtempère. Éventuellement, on approuve ce qui devrait révolter a minima.

Comment en est-on arrivé là ? Comment l’opinion publique peut-elle être davantage remontée contre les grévistes que contre le Gouvernement ou les patrons qui imposent leurs desiderata ? Comment, de nos jours, toutes les régressions sociales, toutes les restrictions, les baisses de prestations sociales, la dégradation du système de santé publique, sont vues et acceptées comme des progrès. Certes, l’emploi à contre-sens du mot « réformes », depuis Raffarin (sous Chirac donc), y est pour beaucoup et continue de tromper. Pourtant, quand on voit l’étendue des déclins dans tous les domaines, on se dit qu’il y a autre chose. Sans doute aussi, le travail lent et obstiné consistant à répéter à l’envi que les Français vivent au-dessus de leurs moyens et qu’ils vont laisser l’ardoise à leurs enfants finit par payer. Sans être méprisant, on peut douter qu’il y ait seulement une moitié de la population qui connaît un tant soit peu les notions de budget de l’État et de finances publiques. Néanmoins, tout le monde est convaincu qu’il y a une dette colossale et que c’est récent car dû à un niveau de vie général trop élevé. Parlons-en du niveau de vie trop élevé ! Ne voit-on pas, depuis une quarantaine d’années, toujours plus de sans-abris dans les rues ? Est-ce vivre au-dessus de ses moyens que d’avoir un hôpital dans chaque ville de 10 000 habitants, une maternité dans chaque petite ville, un collège dans chaque bassin de plus de 500 élèves ? Est-ce vivre au-dessus de ses moyens que d’avoir un train tous les quarts d’heure pour aller travailler à la grande ville ? Est-ce vivre au dessus de ses moyens que de vouloir cesser de travailler à 60 ans quand la population augmente, que des machines effectuent le travail et qu’il y a pléthore de personnes sans emploi ?

Comment expliquer que plus il y a de régressions sociales, moins il y a de salariés syndiqués ? Face à l’adversité, il devrait y avoir, au contraire, un mouvement pour se regrouper, lister les besoins et les appuyer face au patronat et aux hauts-fonctionnaires. C’est tout le contraire. Il suffit de distribuer des tracts syndicaux pour comprendre que dans beaucoup de boites, les syndicats cherchent plutôt les compromis avec la direction pour pouvoir rester en place que de défendre les salariés en difficulté. Combien d’entre eux se sont entendus répondre : « Il faut te battre mon vieux ! ». Justement, on croit naïvement sans doute, que les syndicats servent à soutenir ceux qui n’ont pas la force de se battre tout seuls.

Les inégalités et les régressions sociales ont atteint un tel degré que la politique est à bout d'arguments, où il n'est plus de foi en rien et dans ce cas, plus de société pensable. C'est là que s'exaltent les extrêmes. La violence de rue s’affiche à un niveau jamais atteint, auquel répond la violence policière qui signe l'impuissance des pouvoirs à rassembler, rassurer, protéger le bien public face aux agressions du capital, aux fondamentalismes religieux, au retour du fascisme et des conservatismes, aux sectarismes, tandis que se déchaînent les forces d'une nature détraquée.

Et la gauche dans tout ça ? Normalement, elle devrait se trouver au côté du petit peuple pour le défendre et lui proposer des solutions plausibles. Bien sûr, elle n’a pas digéré, dans les 1980s, de constater que le peuple, justement, aspire davantage à posséder un pavillon ou un appartement avec vue, dans un quartier où l’on peut se promener à n’importe quelle heure, plutôt que d’assister à des pièces de théâtre d’avant-garde ou de visiter des expositions d’art contemporain. Bon, elle devrait l’avoir admis, depuis le temps, et revenir à ses fondamentaux. Au lieu de ça, elle s’entête à défendre des minorités qui, par définition, sont minoritaires, même agrégées, pendant que la majorité de la population a du mal à joindre les deux bouts. Une fois au pouvoir – quand elle y arrive – elle applique les directives de l’UE sans ciller, avec même la volonté de faire mieux que la droite en ce domaine.

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La population n’est pas exempte de reproche, non plus. On l’a vue se mobiliser dès la fin du confinement pour remplir les restaurants. On l’a peu vue pour défendre les retraites. Il y a eu une forte mobilisation juvénile dans les villes, fin juin. On ne l’a pas vue les mois qui ont précédé pour défendre les retraites et le pouvoir d’achats des parents. Là aussi, il faudrait se poser des questions. Bien entendu, ce n’est pas sur un blog qu’on va trouver des réponses. Quand bien même on en formulerait, qu’elles n’auraient aucun impact, surtout que depuis quelques années, les moteurs de recherche ignorent les blogs, même ceux accolés à un grand média. On peut quand même s’interroger, en parler autour de soi et essayer, d’abord de faire prendre conscience de la lente régressions sociale, ensuite de tâcher de mobiliser chaque fois que c’est possible. Contrairement à l’habitude, les médias ne nous ont pas annoncé une rentrée sociale chaude. De toute façon, elle n’a jamais eu lieu. Ce qu’il faut, c’est lutter, à son petit niveau, contre la résignation et remettre à leur place tous ceux qui nous disent : Arrête de râler tout le temps ! Râler ne sert à rien si l’on ne met pas sa colère en acte. Les gilets-jaunes ne formaient pas un mouvement exemplaire, loin de là.

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2019/01/11/37008639.html

Ses motivations premières n’étaient pas vraiment progressistes. Néanmoins, ils ont montré comment, avec les moyens du bord, un gilet jaune qu’on trouve dans n’importe quel magasin pour pas cher, on peut se mobiliser et obtenir des résultats. Nous avons pointé, à l’époque, que plutôt que d’essayer d’entrer dans le palais de l’Élysée, il aurait mieux valu marcher 4 km dans l’autre sens, vers la Défense où se trouvent les tours des grands groupes industriels et financiers. N’empêche, les gilets-jaunes ont montré que c’est possible. Yes, we can ! Podemos !

 

 

*Dans le passé, on a pu voir, comment M. Franz Olivier Giesberg a pu passer du Nouvel Observateur au Figaro, à la recherche, justement, d’un patron de rédaction moins partisan. Dans les faits, c’est FOG qui a glissé vers la droite mais la rédaction du Figaro s’est trouvée allégée des contraintes de la droite revancharde qui présidaient alors. Ce cas de figure s’est reproduit souvent et bien entendu, de la gauche vers la droite plutôt que le contraire.

 

 

Images :

https://www.laprovence.com/article/france-monde/23526610928395/la-greve-au-jdd-reconduite-jusqua-mardi-va-depasser-la-duree-de-celle-di-tele

 

https://www.paperblog.fr/9864680/moutons/

 

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