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101e km
24 juillet 2020

Pourquoi des radios de services public ?

La période estivale peut être l’occasion d’affiner la critique des médias ou, au moins, de lancer des pistes de réflexion. Au moment où Mme Ernott a été reconduite à la tête de France Télévision afin de poursuivre son travail, notamment en supprimant deux chaînes, on peut se demander pour quelle raison maintenir des médias dans le giron de l’État. Nous complétons ici l’échange entamé à l’occasion du bilan de la saison

Nous usons et abusons ici de l’expression « radio de service public » qu’on entend à l’envi sur Inter, dès qu’il y a la moindre suspicion de remise en cause. Comme pour dire, nous ne faisons pas le même métier que les autres et sous-entendre que nous sommes meilleurs. Or, nous constatons que la différence s’est amenuisée entre les stations de radio généralistes et c’est particulièrement visible depuis qu’on entend des publicités de marques à l’antenne sans que cela ait soulevé le moindre tollé de la part des auditeurs qu’on a connus plus vindicatifs dans le passé quand ils ne supportaient pas certains messages. Or, la presse ne s’en est jamais fait l’écho. Il y a donc acceptation plutôt que résignation et Mme Devilers, spécialiste des médias sur la chaîne, en a parlé comme d’un retard enfin rattrapé. Comme si la présence de publicités de marques participait du progrès ou de la norme. Par conséquent, les auditeurs qui demeurent contre vents et marées, fidèles à Inter principalement parce qu’il n’y a pas de publicité, se retrouvent Gros-Jean comme devant.

Sur un réseau social bien connu (qui censure ce blog), une ancienne journaliste déplore : «  De toutes façons les médias font depuis longtemps de la mono actu... avant et pendant les vacances, sujets vacances. Avant et pendant la rentrée, sujets rentrée. En hiver, sujets froid et neige. En été, sujets chaleur. Au printemps, sujets pluies. Pendant coronavirus, sujets virus etc etc etc.... ». En d’autres termes, il n’y a plus de différence tant la norme s’est imposée. Ça s’appelle « la pensée unique ». D’après les sondages, il semble qu’Inter soit en tête des audiences comme confirmé en cette fin juillet. Sans doute, les auditeurs choisissent une radio qui fait moins dans la sensationnel et la gaudriole mais, à l’occasion, on constate que cette différence est fragile comme on l’a vu lors de l’annonce de la (fausse) arrestation de Dupont de Ligonnès ; comme si c’était ce que les Français attendaient avec le plus d’impatience dans la mesure où ils n’auraient pas d’autre préoccupation. Pourquoi faire un service public de la radio et de la télévision si c’est pour reproduire la même chose que les autres ? Inter présente, néanmoins, quelques similitudes avec les services publics dans la mesure où, le personnel, oublie qu’il est payé pour rendre un service au public et pas seulement pour lui assurer un salaire ou, dans le cas des radios et télévisions, pour se faire plaisir en recevant des personnalités.

 

Il y a quelques années encore, les journalistes des médias dits de service public aimaient citer ces propos du Président Pompidou pour s’en démarquer aussitôt. Comme il apparaît évident que tous les journalistes des médias audiovisuels ont bu le même lait, on peut penser qu’ils ont tous visionné, en école de journalisme, la vidéo de la conférence de presse de juillet 1970 du Président Pompidou, pour aussitôt s’y opposer et s’en gausser. « Il y avait un ministre de l’information. On disait que c’était un dictateur et qu’il imposait aux journalistes de la télévision des règles et une tutelle inadmissibles. Le Premier Ministre a jugé utile de supprimer ce Ministre de l’Information. (…) En tout cas, nous n’avons jamais trouvé en France, parfaitement, l’équilibre de l’information. C’est peut-être dû au Gouvernement. C’est peut-être dû aussi aux journalistes. Pour moi, je vous dirai que je considère que l’information, sous toutes ses formes, à l’ORTF, doit être libre, doit être indépendante, doit être impartiale. (…) Être journaliste à l’ORTF, ça n’est pas la même chose que d’être journaliste ailleurs. L’ORTF, qu’on le veuille ou non, c’est la voix de la France. C’est considéré comme tel à l’étranger et c’est considéré comme tel par le public qui, quand on lui dit quelque chose (…) répond : ils l’ont dit à la télé (bis). Et, par conséquent, ceux qui parlent à la télévision ou à France Inter (…), il y a une certaine hauteur de ton qui est la chose que, pour ma part, je leur demande. »

pompidou juillet 1970Comme beaucoup de citations du passé, celle-ci fait l’objet de commentaires anachroniques ou, surtout, biaisés. En l’occurrence, le Pdt Pompidou ne réclamait ni le lien avec le pouvoir ni la servilité : « Je ne vous demande pas de faire l’éloge du Gouvernement. Je ne vous demande pas de faire parler à tout propos les ministres. Il n’y a d’ailleurs – je le sais bien – rien de plus ennuyeux pour les téléspectateurs. Ce que je vous demande, c’est de vous rappeler que quand vous parlez, vous ne parlez pas qu’en votre nom et, que vous le vouliez ou non, vous engagez la France. Il y a une certaine hauteur de ton et de pensée qui vous est réclamée. C’est très difficile. C’est plus difficile que d’être ailleurs. Je le reconnais. ». On a oublié cette fin de citation qui est pourtant la plus importante dans la mesure où elle définit les droits et devoirs de journalistes qui prétendent accomplir une mission de service public. Seulement, comme c’est plus exigeant, on fait semblant, depuis 50 ans, de croire que le Président de la République demandait aux journalistes de l’ORTF d’en faire une sorte d’organe officiel du Gouvernement à l’instar de la Pravda en URSS. Le verbatim qu’on peut retrouver facilement sur la toile est formel. Le Président Pompidou a insisté – et sur quel ton – à deux reprise sur la nécessaire « hauteur de ton et de pensée ». Cela fait écho à un souhait exprimé, bien avant, par Boris Vian qui osait espérer qui si un jour, il y avait une radio d’État, elle ne devrait pas passer de chansons qui contiennent des fautes de français. Pour le coup, la citation, est introuvable sur la toile car ça ne correspond pas à l’idée qu’on se fait du personnage.

Or, précisément, de nos jours, les journalistes d’Inter mettent un point d’honneur à ne pas respecter les recommandations gouvernementales ou émanant d’institutions. Nous avons déjà pointé le fait qu’aucun ne dit jamais « la » covid 19 pour bien signifier leur indépendance. En revanche, le mot « province » a été banni rapidement au profit du très européiste « régions ». La marque de fabrique de la station dite de service public semble plutôt tenir dans les erreurs et fautes de français, l’uniformité et surtout l’inculture, le tout appuyé avec quelle suffisance ! Le directeur qui a imposé le règne de la parlote permanente sur Inter et fait prendre le pli d’un parisianisme exacerbé, Pierre Bouteiller, était encore préoccupé par la correction de l’expression. C’est sans doute pour cela qu’il conseillait d’écrire tout ce qui sera dit à l’antenne. On en est plus là depuis quelques années déjà et, aujourd’hui, lorsque qu’un animateur ou, plus souvent, une animatrice, se rend compte d’une faute, elle lance aussitôt : « Je vais encore recevoir du courrier » ; sous-entendu, je m’en fiche mais ça va encombrer ma boite aux lettres. Signe que les auditeurs sont agacés par la baisse du niveau d’expression qui trahit une baisse du niveau culturel que la promotion des événements parisiens ne dissimule pas. On ne peut pas prétendre s’adresser à un public cultivé et exigeant tout en usant d’un langage approximatif. Inter fonctionne un peu comme la Mairie de Paris (naturellement) où Mme Hidalgo, forte de son élection (avec 18 % du corps électoral), se prétend légitime pour imposer ses choix ; en toute indépendance, bien entendu. Il serait intéressant de chercher les similitudes entre son électorat et les auditeurs d’Inter.

 

Qu’est ce qui fait encore la différence quand la publicité est partout et qu’elle propage la pensée unique ? On a vu, récemment, comment les rédactions des radios et des télévisions dites de services public se sont acharnées contre le professeur Raoult, allant jusqu’à promouvoir un traitement à base de nicotine tout en qualifiant celui pratiqué par l’infectiologue marseillais de « potion »de « druide » et en niant ses résultats. Les humoristes d’Inter toujours prompts à nous signifier ce qu’il est convenable de penser, se sont déchaînés. Observons que, de nos jours, les humoristes, qui ont un avis sur tout, sont davantage écoutés que les experts ; ce qui paraît pour le moins paradoxal quand on se prétend éduqué et cultivé. Dans un passé pas si lointain, les mêmes rédactions, appuyées par les humoristes maison du moment, s’étaient engagées en faveur du oui au référendum de 2005. Que dire de la manière dont elles traitent les candidats à la présidence de la République qui n’ont pas leur faveur ni comment elles ont obtenu du CSA le droit, à l’avenir, de ne pas traiter tous les candidats sur un même pied d’égalité ! Oh, déjà, ils contournaient aisément la règle en évoquant ce qu’elles appellent « les petits candidats » à des heures où l’audience est plus faible. Si on les avait écoutées, on aurait eu comme Présidents de la République Rocard, Balladur, Jospin, Royal.

Qu’est-ce qui fait encore la différence quand, depuis plusieurs années maintenant, chaque été voit le débauchage de journalistes et d’animateurs qui passent d’une radio à un autre ? Leurs qualités ne sont pas en cause bien sûr mais la facilité avec laquelle ils passent de l’une à l’autre montre bien que la différence s’estompe. Pourtant, il existe encore un public qui espère trouver – à défaut de réclamerune certaine qualité dans les propos et les émissions ; ce que le Pdt Pompidou appelait « une certaine hauteur de ton et de pensée ».

À ce stade, la question du maintien d’un service public de l’audiovisuel se pose. Les rédactions, les animateurs sont bien indépendants du pouvoir mais, l’auto-censure règne. Aucun ne va prendre le risque de déplaire à un responsable en vogue qui risque de s’en rappeler lorsqu’il occupera certaines fonctions. C’est valable pour les rédactions nationales (appelées à fusionner pour faire des économies) et les régionales de France 3 et de France Bleu. On sait très bien ce qu’il vaut mieux taire si l’on ne veut pas se voir barré l’accès à certains lieux. De même, on a dû accompagner l’arrivée de la publicité de marques sur Inter de certaines recommandations, au moins de manière implicite. Difficile, alors que le déconfinement a vu un déferlement de publicités pour les voitures et leurs assurances ou organismes de crédit, d’en appeler à un monde d’après avec moins de voitures. Inter a vite adopté une neutralité bienveillante envers le système, à l’instar des autres radios généralistes qui vivent de la publicité. De sorte que, maintenant que la publicité de marques s’est imposée sur la radio de service public, sans que ça provoque la moindre réaction, ni des salariés, ni des auditeurs, il n’y a plus de différence notable entre les radios généralistes. Pourtant, demeure la force des habitudes qui fait qu’on reste fidèle à une station plutôt qu’une autre mais les auditeurs vieillissent et avec les nombreuses applications qui permettent de suivre l’actualité, les radios généralistes vivent probablement leurs dernières années. Pour le moment, leurs noms sont encore connus grâce à l’entrevue politique du matin reprise par les autres mais on s’achemine vers un couplage avec des chaînes de télévision.

 

Si nous demeurons attachés au maintien d’un pôle de médias financé par l’impôt et la redevance, c’est d’abord dans l’espoir d’un véritable changement qui fasse de ce pôle une référence mais ça ne correspond pas encore à la demande d’un public habitué à la publicité et façonné par la pensée unique. Surtout, l’expérience des privatisations montre qu’il s’agit d’une braderie qui attire des intérêts privés qui ont vite fait d’exercer un monopole et d’en tirer de juteux profits sans avoir pris de risques dans la mesure où la clientèle est là et où le patrimoine foncier constitue une réserve non négligeable. Il y en a assez de voir partir les fleurons industriels et autres, constitués ou renfloués par des politiques ambitieuses et par l’impôt, enrichir des gros actionnaires qui les revendront au plus offrant à la première occasion. Ce qu’on appelle pompeusement le service public de l’audiovisuel vient d’obtenir un sursis avec l’arrivée d’un nouveau Premier Ministre dont la tâche principale consistera à ne pas faire de vague dans la perspective de la présidentielle. Néanmoins, ce qui est défait n’est plus à faire. On exige de faire toujours plus avec toujours moins d’argent car la redevance vit ses dernières années. Quoi qu’il en soit, le problème se pose en ces termes. D’un côté, un service public de l’audiovisuel ne se conçoit que s’il propose quelque chose de vraiment différent mais, d’un autre côté, le public considère tout ce qui arrive sur un écran ou une application comme un divertissement. Par conséquent, il n’est pas prêt à plébisciter une réelle différence. Tout au plus marquera-t-il une préférence pour des programmes populaires mais sans vulgarité. Le Gouvernement, comptable des deniers publics, doit aussi tenir compte des goûts du public.

 

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Commentaires
J
Le rapport d'Inter au langage et à la source de l'info pose, à mon sens, la question du rapport au temps, qui est plus vaste, car existentielle - sociétale dirait-on ailleurs. Un langage simplifié, qui se veut jeune - quand on est jeune on est speed, évidemment - des séquences calées à la milliseconde, pour imprimer un rythme - ça percute comme dans un clip, le silence est prohibé, le temps c'est de l'argent - et on nous sort l'info qui va fédérer, faire vendre, jusqu'à son démenti qui à son tour va fédérer, faire vendre. En l'occurrence la fausse arrestation d'un faux Dupont de Ligonnès, au fin fond de l’Écosse. Le mec ressemble au criminel le plus recherché de France comme Bayroooo ressemble à Brad Pitt mais qu'importe, on a là de quoi meubler plusieurs jours de JT avec un sujet plus vendeur que les afflux de réfugiés à Lampedusa. <br /> <br /> <br /> <br /> Pompidou, en son temps, était dans l'idée d'une voix de la France diffusée par les ondes comme la propagande américaine s'exprimait sur ondes courtes, du temps de la Guerre froide. Quiconque s'amusait, en ce temps-là, à titiller le syntoniseur d'un de ces fantastiques postes à plusieurs gammes d'ondes courtes, n'a pas manqué de tomber sur le célèbre sonal évoquant la bannière étoilée, suivi d'un triomphal "This is the Voice of America". <br /> <br /> <br /> <br /> On était à l'époque où chacun défendait son pré carré. Aujourd'hui on défend ses parts de marché, Inter compris. On s'adressait à un public, on s'adresse à présent à un client potentiel, y compris lorsqu'on invite un politique, un expert, et dans les débats, sachant qu'une voix autorisée qui s'exprimera mieux que le voisin sur un thème consensuel pourra être à même d'infléchir l'opinion de l'auditoire, et par là générer des voix à l'élection suivante - le vote au suffrage universel étant rien d'autre, en l'absence de projets politiques antagonistes, tranchés et radicaux, qu'un choix consumériste. <br /> <br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, il serait vain et à la limite provocateur de la part d'une quelconque personnalité d'envisager une "Voix de la France" qui s'exprimerait par ses médias nationaux. <br /> <br /> Quelle voix de quelle France, objecterait-on avec justesse ? La France de LVMH ? La France du vignoble bordelais ? La France des Mureaux ? La France qui se lève tôt ? La France qui gagne ? La France en maillot bleu ? La France des Gilets Jaunes ? La France vue de Hollywood, qui continue à se déplacer en 504 sur fond d'accordéon ? <br /> <br /> <br /> <br /> Et l'Europe de la ramener, qui rappellerait, par la voix d'un de ses apparatchiks, que la France fait partie d'un projet appelé Union Européenne, point barre. Un projet qui n'est ni un pays ni une nation mais une bureaucratie sans système de valeurs, langue, culture communs aux nations qu'il a annexées. <br /> <br /> <br /> <br /> Le polytocard parlera plutôt de "LA" République. Chacun d'entre eux entend parler au nom de "LA" République, sachant qu'aucun ne saurait se prétendre représentatif d'un peuple qui n'a jamais été aussi éclaté, dans son identité et ses modes de vie comme dans ses intérêts et ses attentes. <br /> <br /> <br /> <br /> Un média national qui serait vraiment à l'écoute et au service de son public pourrait ressembler à une tour de Babel monolingue où il serait loisible à chacun de s'exprimer. "Le téléphone sonne" était dans cette logique, imitée par RMC-Info à ses débuts. Mais pas question de poser de question gênante à l'invité(e) du jour. On filtrait. Que se passerait-il si, dans un média de service public utopique, un auditeur demandait à un élu LREM de s'expliquer sur l'affaire Benalla ? A une ministre de la Santé temporaire de rendre compte de ses accointances avec des multinationales pharmaceutiques ? A un garde des Sceaux de passage de nous dire pourquoi un Balkany moribond lorsqu'il était sous les verrous, se montre en train de se trémousser sur un tube une fois libéré, alors qu'on fiche en taule un père divorcé parce qu'il n'avait plus de quoi honorer sa pension alimentaire ? Sans que le journaleux de service intervienne pour calmer le jeu ? Au contraire, il serait là pour cuisiner l'invité(e), l'amener à se mettre à table. <br /> <br /> <br /> <br /> Eh bien ce serait ça, un vrai média de service public. Un média où toi, où moi, où le voisin, serions à même de poser les questions qui tuent à ceux dont le devoir républicain, pour emprunter à leur jargon, serait d'y répondre. Un média de service public qui serait de nature à bouleverser les codes de la politique politicienne tels qu'ils sévissent dans ce pays depuis trop longtemps. Pas un média de service public qui n'est là que pour servir la soupe.
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S
Quand le Pdt Pompidou rapportait : « Ils l’ont dit à la télé », il serait bon que, en effet, ce qu’on appelle les médias de service public soient une référence un peu comme Le Monde autrefois ou la BBC outre-Manche. À savoir que sa voix fasse autorité et qu’on y observe une langue vivante et moderne mais quasiment sans faute et que l’information soit scrupuleusement vérifiée avant d’être diffusée quitte à rater les scoops. Ça éviterait les ratés (pour le coup) de l’affaire Dupont de Ligonès. Surtout qu’on peut se demander qui ça intéressait. Sur Inter, on a plutôt l’impression du contraire et qu’on se précipite pour adopter tous les tics de langages et les approximations à la mode, les prononciations étrangères les plus erronées. S’il a paru convenable de dire « Régions » plutôt que « province », en revanche, on n’hésite pas à dire « podcasts » (Inter a été la 1ère grande radio en France à en proposer) formé à partir d’un nom de marque déposée, « quinzomadaire » qui ne veut rien dire mais se comprend facilement et, plus récemment « quatorzaine ». Ne parlons pas de l’abus du terme « vrai-faux » après l’affaire du passeport fourni par le Ministre Pasqua à l’un de ses amis. Désormais, tout ce qui est faux est précédé « vrai » comme ça, on n’y comprend plus rien mais ça amuse les locuteurs, visiblement.<br /> <br /> <br /> <br /> En fait, on comprend que c’est la façon qu’a trouvée Inter pour faire jeune quand le ton est, depuis longtemps, lénifiant et ennuyeux. En revanche, je ne dirai pas, cher Jérémy, que c’est « le service public » qui copie le privé, du moins en ce qui concerne la radio puisque je ne possède pas de télévision. Là, c’est plutôt les radios privées qui multiplient les plateaux, les chroniques devant le succès d’Inter. On a même pu lire des journalistes des stations périphériques se plaindre de la publicité chez eux et dont l’absence donne un net avantage à Inter qui peut offrir des sessions d’information sans trop de pub. Le mouvement s’est accentué depuis que la matinale de la Maison Ronde caracole en tête de l’audience mais ça avait commencé du temps de « Et pourtant elle tourne », rendez-vous vespéral de tous ceux qui suivaient l’actualité internationale. Ça a été supprimé par le très parisianiste directeur Philippe Val puis rétabli sous une forme à peine modifiée après son départ. Du coup, les autres cherchent à en faire autant et Europe 1, par exemple, proposait une émission similaire mais hebdomadaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui serait formidable et vraiment de service public, c’est qu’on dise : s’il l’ont dit sur France-Inter, c’est que c’est vrai ou que c’est sérieux. <br /> <br /> <br /> <br /> Parlant des « périphériques », qu’on appelle aujourd'hui les radios généralistes (mais en y incluant des stations plus spécialisées), j’oublie toujours Sud Radio car je n’ai pas l’habitude de l’écouter dans la mesure où, avant l’explosion des stations en modulation de fréquence, je ne pouvais pas la capter où je vivais. Or, la radio, plus encore que la télévision mais, à peu près comme la presse écrite, est une question d’habitude. On râle, on critique mais on reste fidèle à ses habitudes de lecteur ou d’auditeur. C’est un peu ce que je fais ici sous couvert d’entretenir la mémoire de la radio. Autrefois, je lisais les programmes de Sud-Radio pour découvrir les arrivées de voix entendues sur d’autres ondes. Je pense à Jacques Bal qui, après avoir enchanté les après-midis de France-Inter avec Annick Beauchamps et Bernard Grand est parti dans le sud. D’autres l’on rejoint parfois faute de retrouver un créneau sur les grandes ondes. Aujourd'hui, je sais que cette radio se porte bien financièrement, a trouvé un auditoire et multiplie les plateaux tout en embauchant des personnalités pour assurer les chroniques. Je pense à l’ancien ministre Henri Gaino mais je ne savais pas que M. Bercoff y sévissait. C’est un peu la marque de fabrique des radios généralistes privées, recruter une personnalité hors-norme pour mettre un peu de piment dans les débats et provoquer les auditeurs habitués au ron-ron et à la pensée unique ; laquelle pensée unique a toute sa place sur Inter qui vante pourtant « l’impertinence » de ses chroniqueurs alors qu’ils vont tous dans le même sens. <br /> <br /> <br /> <br /> Bon, le plus important demeure quand même le début de ton commentaire, Jérémy, à savoir la disparition d’un monde. Le respect strict du pilote, à la seconde près désormais, montre bien que la radio est malade puisqu’elle doit s’imposer une discipline aussi absurde que celle des militaires tout en étant incapable de la respecter. « Pardon pour cette minute de retard », encore entendu ce matin. La belle affaire dans une vie. Tout ceci est ridicule. La radio va survivre grâce à la voiture pour accompagner les longs parcours et les embouteillages mais, avec les ordinateurs sur le tableau de bord, qui indiquent comment sortir des bouchons ou donnent les dernières infos, rien n’est sûr. Pour la musique, la clé USB ou autre permet d’écouter à l’envi ce dont on a envie et pas se cogner Philippe Katherine qui fait une chanson avec moins de 50 mots répétés en 3 mn 58s ; et en duo qui plus est. Depuis sa sortie, on l’entend tous les jours sur Inter, radio dite de service public. <br /> <br /> <br /> <br /> Dans le passé, j’avais annoncé les nouvelles pratiques d’écoute de la radio quand on pouvait déclencher le son à l’heure voulue pour écouter sa rubrique préférée ou son émission. Récemment, j’ai affirmé que la radio n’est plus qu’une application parmi d’autres mais pauvre, à l’image de ce qu’était ANTIOPE pour la télévision, il y a une quarantaine d’années. Je ne pense pas me tromper beaucoup encore cette fois-ci.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> J’en profite pour saluer une fois de plus la diffusion, tous les soirs, de concerts enregistrés quelques années avant et qui nous permettent de vivre de grands et beaux moments (selon les goûts évidemment) et Europe 1 en fait de même. On peut penser que ce sont les circonstances particulière de notre époque qui ont contraint cette programmation mais le résultat est bien agréable. <br /> <br /> <br /> <br /> Alors, sur Inter, ça s’appelle « Le festival imaginaire » tandis que sur Europe 1 c’est « Le festival idéal ». Pas beaucoup d’idée ni d’imagination mais ça passe bien et puis, on est en été, non ?
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J
Nous sommes les témoins d'un monde disparu où une radio de service public avait pour devoir, et pour ambition, de distraire ses auditeurs et de leur proposer de la culture. On ne va pas revenir là-dessus, Sumac, nous avons déjà longuement échangé à ce propos. On s'en tiendra juste à dire ceci : le temps n'était pas compté, on pouvait consacrer une soirée, une nuit entière à un artiste, intéresser le public à l'histoire des transatlantiques, à la narration de contes et légendes, comme l'inviter à la visite d'un château hanté (https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-08-novembre-2017). Les programmes d'été servaient de banc d'essai pour des formats qui seraient oubliés ou conservés à la rentrée suivante. <br /> <br /> <br /> <br /> Ce public n'existe plus. France-Culture, qui pourrait avoir pris le relais de ce que fut Inter, est devenue quasi invisible. France-Culture conserve quelque espace d'expression hors-Pensée unique, telle l'émission "Les pieds sur terre" qui, pour maintenir une audience et amener l'auditeur à télécharger des podcasts aux thèmes réalistes (le centre d'appel d'une mutuelle, les réseaux de drogue à Marseille, les jurés d'assises...) a besoin de verser ponctuellement dans le reportage à sensation (sex-toys, travailleuse du sexe, etc). Pour le reste, on chercherait en vain une remise en cause de l'Europe, un bilan critique de quarante années de néolibéralisme. Non qu'on tienne à servir la soupe ou qu'on y soit contraint, laquelle soupe étant devenue l'ordinaire et les esprits étant de part et d'autre majoritairement formatés (les producteurs de France-Culture gagnent très correctement leur vie et leurs auditeurs ne se recrutent pas dans les bleds déclassés de la France périphérique, les cités, les squats et les foyers de migrants). De fait, peut-on attendre d'un producteur de France-Culture qui habite un arrondissement huppé de Paris, qui publie des livres, qui peut être cinéaste à l'occasion, qui évolue dans un milieu clos et aisé où voisinent intellectuels, universitaires, éditeurs, écrivains, gens de théâtre, artistes, qu'il se pique de dénoncer les travers d'un système dont il retire un confortable niveau de vie ? <br /> <br /> <br /> <br /> Qui est de l'autre côté de l'appli/du tuner/du récepteur ? Quelles catégories socio-professionnelles ciblent la productrice de "L'Esprit Public", Émilie Aubry, transfuge d'Arte, ou le producteur de "Répliques", l'intellectuel Alain Finkielkraut ? Qui écoute encore France-Musique ? <br /> <br /> <br /> <br /> Les thuriféraires de la Pensée unique qui sévissent sur nos ondes nationales ne sauraient défendre un modèle alternatif pour deux raisons : d'une part ils sont le système, ils en sont les producteurs et les produits, ils en sont parties prenantes de par leur origine sociale, leur formation, les milieux où ils évoluent, clos et élitaires, et la plupart du temps leurs accointances politiques, qu'elles soient en phase avec leurs convictions personnelles ou qu'elles relèvent d'une stratégie de plan de carrière. D'autre part, si l'on admet que chez certains puisse subsister un reliquat de vocation qui, dans un souci d'honnêteté intellectuelle, les amènerait à questionner le modèle auquel ils adhèrent, à le questionner au-delà du constat de ses travers que chacun peut faire et qui n'apporterait rien de neuf (c'est le cas des "Pieds sur Terre" sur France-Culture), ceux-là aboutiraient à l'impasse à laquelle quiconque dénonce ce modèle, finit par se heurter. Parce qu'on ne saurait envisager une approche critique d'un modèle qu'au regard d'un modèle autre, et ce modèle autre, ce contre-modèle, il reste à inventer. Pour s'en tenir à notre seul pays, on ne peut plus se référer à ce qui a échoué - le socialisme inspiré du marxisme-léninisme - ni à ce qui relève d'un contexte lointain et révolu, le gaullisme. On ne saurait davantage qualifier l'actuelle montée de l'écologie de projet de société alternatif qui serait de nature, à moyen terme, à reverdir nos ondes nationales et les débarrasser de leur mercantilisme parasitaire. On se trouve là face à un courant disparate, sans autre projet qu'un de ces débats continuels dont nous avons l'habitude en France, et dont rien ne sortira de concret tant qu'on se contentera d'effleurer les questions qui fâchent. <br /> <br /> <br /> <br /> Donc on s'en tient à ce qui est. La Pensée unique. Comme celles et ceux qui en font l'article, dans nos médias dits de service public, en retirent un bénéfice direct, on les imagine mal extrapoler sur ce qui pourrait être, et qui ne sera peut-être jamais. L'expérience de la pandémie est là pour nous démontrer que l'avenir est imprévisible. La culture de l'immédiateté se fonde sur cette imprévisibilité. On ne sait pas de quoi sera fait demain, mais on sait où on en est aujourd'hui. <br /> <br /> <br /> <br /> En réponse à la question que tu te poses dans ton article, Sumac, "Pourquoi des radios de service public ?", je serais tenté de répliquer, avec le mauvais esprit que tu me connais, "Pour poser les questions qui tuent". Un média de service public supposé être au service du public ne devrait pas s'adresser au seul public qui intéresse l'annonceur, celui qui a de quoi s'acheter une bagnole hybride, pour qui la transition énergétique passe par le troc du réservoir d'essence contre un stock de batteries composées de matériaux rares. Les questions qui tuent, personne ne les posera sur aucune station de Radio-France, pas plus que sur les chaînes de télévision financées par la redevance. Les raisons, je pense les avoir exposées plus haut. S'il faut payer une redevance pour voir défiler à la télé des documentaires, des jeux idiots, des divertissements calamiteux, des débats concertés, de la promo de produits culturels formatés, et de loin en loin une série qui tient la route, un téléfilm de qualité, eh bien laissons la télé au privé ! Le travail est déjà bien avancé chez nombre de téléspectateurs qui ont délaissé les chaînes de la TNT, publiques et privées, au profit de Netflix et d'Amazon Prime. De même, si les radios de service public s'en tiennent à singer leurs concurrentes périphériques et se contentent de décliner à longueur d'infox et de chroniques les termes de la propagande en vigueur, proposons-les à M. Drahi ou à M. Xavier Niel, ils sauront utiliser à leur compte l'image de différence dont se prévalent encore les producteurs de ces chaînes, en ce qu'elle fait partie de leur mémoire commune. Que voilà un bel argument de vente ! Là encore, le travail est déjà bien avancé chez ce qui reste des auditeurs. Où qu'on aille, c'est Nostalgie, Skyrock et leurs produits dérivés locaux qu'on entend diffuser en boucle leurs chansons sans paroles. Autrement, c'est la playlist perso sur la clé USB après téléchargement sauvage sur YouTube. <br /> <br /> <br /> <br /> La Pensée unique le restera tant qu'elle composera le fond sonore des braves gens. D'autres pensent aborder des chemins de traverse en suivant les émissions du Média sur YouTube, dont le visionnage de quelques épisodes suffit à convaincre l'esprit un brin critique de la certitude qu'une poignée de bobos, dont certains venus de Canal + et du show-biz, ne suffiront pas, avec la meilleure volonté, et le concours du terreau fertile de l'antimacronisme, à reconstruire le socialisme sans les socialistes - à l'exception de leur lider maximo éclairé - dans l'esprit des populations démolies par la précarité, l'uberisation et l'explosion des loyers. Des mots, toujours des mots. C'est par les mots, encore les mots, toujours les mots, que les thèses d'extrême-gauche et l'idéologie libertaire n'ont jamais réussi à franchir le stade du groupuscule. Il est quand même intéressant de remarquer qu'il faut passer par un produit du Système, YouTube, racheté par Google en 2006 pour 1,65 milliards de dollars, pour dénoncer le Système et promouvoir une alternative au Système qui, comme toutes les autres alternatives au Système, se contente d'effleurer les questions qui tuent. Il n'en demeure pas moins que ces chroniques, ces éditoriaux, ces débats ont leur intérêt, qu'ils sont suivis par nombres de gens, de même que les émissions d'André Bercoff sur Sud-Radio, qui aborde des thèmes critiques. Et on se demande pourquoi ça, le service public, il ne le fait pas.
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