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101e km
3 juillet 2022

Sainte Russie impériale et impérialiste

Je me demandais comment commencer mon propos et puis ce sont les mots d’André Siegfried, une fois de plus, qui vont m’aider à l’introduire, en les adaptant.

Messieurs, la Russie s’étendait sur 3 continents et je devrais m’arrêter-là. De 1741 à 1867, l’Alaska formait ce qu’on appelait « l’Amérique russe » point culminant de l’extension de l’empire. Depuis la vente de ce territoire, qui en plus regorge de pétrole, les Russes ne cessent de pleurer leur puissance perdue et de caresser le rêve de la recouvrer d’une manière ou d’une autre. Auparavant, c’est sur le terrain religieux que la Russie a rayonné. Après le schisme de 1054, la Russie est restée dans la sphère orientale et, la nature ayant horreur du vide, après la chute de Constantinople en 1453, Moscou s’est proclamée la « 3e Rome » et exige depuis la primauté de son patriarcat sur le monde orthodoxe qui n’a cessé de s’étendre dans le monde slave et dans les pays d’orient christianisés depuis les premiers temps. Faut-il rappeler la guerre de Crimée portant sur l’influence de la Russie en Terre-Sainte, achevée en 1856 (soient 11 ans avant la vente de l’Alaska) par la défaite face aux armées occidentales coalisées. Au moment de la guerre de Yougoslavie, Jean-François Deniau disait avec force que tout passe par Sarajevo. Vu depuis la Russie, on pourrait dire que tout passe par Sébastopol. Les événements de ces dernières années semblent le prouver.

russie 3 continents 2

On relira le dernier paragraphe de http://lanternediogene.canalblog.com/archives/2012/05/04/24114310.html

pour ne pas alourdir notre propos mais tout est lié et il faut être français, avec cette habitude de manipuler et renier sa propre Histoire pour ne pas le comprendre. Les grands peuples des vieux pays ont écrit un récit national et entendent bien poursuivre son écriture. Les pays plus récents – et il faudrait voir quels pays existaient déjà en 1867 – s’emploient à la rédaction de leur propre récit en recherchant des traces, des événements, pourtant accomplis par d’autres qu’ils revendiquent comme leurs ancêtres. C’est dire que le besoin d’Histoire est grand et que la France fait figure d’exception ; mais c’est un autre sujet. Cet hiatus pourrait bien expliquer le renforcement du nationalisme russe de ces dernières années, face à ce qu’ils considère comme la décadence de l’occident. Nous y reviendrons.

Capture d’écran 2022-07-03 104629Sans remonter très loin, on peut remarquer que tous les chefs d’État russes depuis une centaine d’années, se sont ingéniés, pour une raison ou une autre, d’une manière ou d’une autre, à récupérer ou maintenir ce qu’a été l’empire russe. Ça s’est appelé la Sainte-Russie, ça s’est appelé l’URSS et son prolongement qu’a été le Komintern sous Staline, qui était pourtant géorgien mais de culture russe. On a coutume d’expliquer le besoin sécuritaire de la Russie par le traumatisme qu’a représenté la bataille de Stalingrad au point de s’entourer d’un glacis protecteur mais ce serait oublier l’acharnement de Staline et de Trotski unis contre la révolte ukrainienne menée par Makhno, qui rêvaient d’indépendance à la faveur de la Révolution de 1917. Déjà à cette époque, la Russie ne pouvait supporter de voir l’Ukraine échapper à sa possession. Un mot sur l’Ukraine d’autrefois avant d’aborder le temps présent. Nous venons d’évoquer très brièvement le sentiment d’orgueil qui anime le peuple russe depuis la proclamation de Moscou comme «3e Rome ». Or, au 16e siècle, le métropolite de Kiev décide de revenir dans le giron de la première Rome, c’est à dire de l’Église catholique. La majorité des Ukrainiens a suivi mais la Russie ne l’a jamais accepté et l’Urss a toujours refusé de reconnaître la communauté catholique ukrainienne. Après son éclatement, les choses se sont arrangées mais le patriarche de Moscou, dont l’influence est énorme, ne l’a jamais digéré.

À la faveur de la paix retrouvée, les accords de Yalta entérinent la reconstitution de l’empire russe sous la forme de l’Urss et de ses satellites immédiats. On a reproché et l’on reproche encore à Mikhaïl Gorbatchev d’avoir voulu réformer l’Urss plutôt que d’en finir avec un régime dont plus personne ne voulait. La réalité c’est qu’il ne voulait pas perdre les territoires de l’Union. Son successeur s’y est pris autrement en imposant plus ou moins la CEI. L’actuel maître du Kremlin a préféré retisser des liens de subordination et mater toutes les velléités d’autonomie. On aurait pu en rester là si les élections ukrainiennes n’avaient pas permis à un Gouvernement défavorable à la soumission à la Russie de diriger le pays. De quel pays s’agit-il d’ailleurs ? Vu de Moscou, vu du reste de la Russie, l’Ukraine n’a jamais existé. Sa langue est proche du russe et personne n’a oublié que son siège à l’ONU doit tout à la volonté de Staline de disposer de 2 sièges de plus, justifiés selon lui par l’ampleur de son territoire. La Biélorussie a encore moins de réalité mais peut servir de tampon, voire de monnaie d’échange. L’Ukraine, c’est plus compliqué en raison des particularités que nous venons d’évoquer. D’autant que les Ukrainiens redoutent par dessus tout, de retomber dans la dépendance à la Russie. Seulement, vu de Moscou, cette crainte est interprétée comme une volonté de quitter le giron russe pour rejoindre celui de l’occident (décadent). Déjà, la Russie n’a pas digéré, après la perte de l’Alaska, celle des pays baltes, de la Finlande, et maintenant l’Ukraine. D’autant que la Pologne a toujours fait montre d’hostilité et n’a pas renoncé à récupérer la partie de son territoire aujourd’hui en… Biélorussie. La Géorgie, malgré son éloignement géographique, sait bien rappeler que le Caucase est génétiquement européen. Or, dans tous ces pays, vivent des Russes et ils sont utilisés par Moscou pour justifier des liens de subordination qui, bien entendu, sont récusés par la majorité de la population et ses partis politiques. Vu de Moscou, les minorités russes sont opprimées et subissent le joug de gouvernements alliés de l’occident (décadent).

Là dessus, Poutine entend renforcer son pouvoir. On dit qu’il était un médiocre militaire du KGB mais la suite a montré son habileté toute stalinienne à faire oublier ses déficiences et à s’emparer du pouvoir pour ne plus le lâcher. On peut penser raisonnablement que rien ne le prédisposait à endosser le costume de dictateur mais le pouvoir rend fou. Il semble vouloir entrer dans l’Histoire en devenant celui qui est resté le plus longtemps au Kremlin. Il a organisé les JO à Sotchi puis la Coupe du Monde de Football mais ces prestigieuses vitrines mondiales ne lui suffisent pas. L’annexion de la Crimée était une question d’honneur. Elle efface la défaite de 1856 et constitue la première étape de la reconstitution de l’empire. L’Ukraine doit revenir dans le giron coûte que coûte. Après, il ne fait aucun doute que tous les pays qui possèdent des territoires homogènes peuplés majoritairement de Russes, reviendront à leur tour. On a cité, au début de la guerre d’Ukraine, la Transnistrie qui n’a pourtant aucune frontière commune avec la Russie. Qu’à cela ne tienne ! C’est bien évidement toute la Transnistrie qui reviendrait dans l’escarcelle russe. Après, ce sera le tour de l’Ossétie et de l’Abkhazie, autrement dit, de la Géorgie. Dès lors, les trois pays baltes seraient en sursis. Ce raisonnement n’a pas été ignoré par les voisins suivants dont la Finlande et même la très neutre Suède qui ont demandé dans l’urgence leur adhésion à l’OTAN.

russie - guerreVu de Moscou, l’OTAN est un danger au moins aussi grand que la décadence de l’occident qui a tourné le dos à la chrétienté en général après s’être séparé de la seule vraie chrétienté incarnée par l’orthodoxie russe. Vu de Moscou, la Russie, l’empire russe potentiel, sont entourés de bases militaires de l’OTAN. Le militaire qu’a été Poutine sait parfaitement que les canons, les missiles peuvent être redirigés vers lui en peu de temps. C’est le prétexte qui justifie sa tentative d’annexion de l’Ukraine.

 

Les parallèles avec d’autres faits historiques sont relativement nombreux. Nous sommes au début du 21e siècle de notre ère qui succède à quelques millénaires de guerres aussi. Par conséquent, il est insipide de rappeler que l’Histoire est un éternel recommencement. Dans une période assez récente et bien étudiée encore aujourd’hui, on a vu comment un certain Hitler a déclenché de fait une guerre mondiale en s’emparant des Sudète, région de la Tchécoslovaquie où habitaient des Allemands soi-disant opprimés. L’Anschluss avec l’Autriche était tout naturel, vue la proximité culturelle et linguistique des peuples allemand et autrichien. Poutine use, pour ainsi dire, des mêmes arguments. Il faudrait aussi se rappeler un certain Milosevic à la tête de la Yougoslavie où il entendait donner tous les rênes du pouvoir aux Serbes et réaliser ce qu’il appelait « la Grande Serbie ». Il en a résulté une guerre civile parmi les plus horribles, à la suite de laquelle toutes les république fédératives de la Yougoslavie ont pris leur indépendance. Même le Monténégro l’a obtenue, laissant la Serbie dans les limites les plus étroites et sans plus de façade maritime. Pire, la Serbie a perdu le territoire où la nation serbe est née, à savoir le Kosovo, le Champ des Merles, et les Serbes qui y demeurent sont réellement opprimés et voient leurs églises profanées et détruites. La folie des autocrates conduit inéluctablement au résultat exactement inverse. Faut-il encore préciser que la Serbie a toujours été proche de la Russie, qu’elle utilise les mêmes caractères cyrilliques et qu’elle est majoritairement orthodoxe. La comparaison s’arrête peut-être là car même du temps de la Yougoslavie, où les Serbes étaient en position dominante, la Serbie n’a jamais eu la taille ni l’influence de la Russie. Pourtant, jusqu’à présent, les faits appuient l’analogie. L’Ukraine qui devait être balayée en quelques jours afin d’y installer un régime fantoche pro-russe, résiste toujours. L’OTAN qui est l’obsession de Poutine, qui était en état de « mort cérébrale » selon le Président Macron, vient de se relever et va même se renforcer de deux nouveaux membres qui vont compléter le dispositif autour de la Russie. De plus, compte-tenu de la position géographique de la Suède et de la Finlande, il est bien évident que leurs armes seront pointées sur la Russie. Autrement dit, Poutine a obtenu le résultat opposé à celui escompté et est trop persuadé de la décadence de l’occident pour mesurer l’ampleur du désastre qu’il a provoqué. D’autant plus que la Russie résiste bien aux soi-disant sanctions imposées par l’occident (décadent). Depuis celles décidées après l’annexion de la Crimée, ce sont plutôt les économies des partenaires commerciaux de la Russie qui sont touchées. La Russie a les ressources, les moyens, la population pour fabriquer ce qui lui manque provisoirement. D’une manière anecdotique, McDonald’s® s’est retiré de Russie. Il est bien évident que les Russes peuvent aussi faire du pain mou et le remplir de viande hachée et autres ingrédients nécessaires pour les hamburgers. L’enseigne s’est payée le luxe de reprendre l’univers graphique de la célèbre marque pour ce qui la remplace, à savoir Diadia Bania (Oncle Vania). Surtout que si les capitaux sont partis, le personnel et les machines sont restées. Rien de plus facile que de continuer. Après tout, c’est ce qui avait permis, jadis, à l’Allemagne de faire redémarrer son économie suite aux dettes de la guerre de 14. Privée de ses vieux trains, par exemple, elle n’avait eu d’autre choix que d’en construire d’autres, beaucoup plus modernes. On ne retient jamais les leçons de l’Histoire.

En attendant, la guerre contre l’Ukraine risque bien de se payer par un nouveau massacre au Proche-Orient. La Turquie a levé son objection à l’adhésion de la Finlande et de la Suède qu’elle accuse d’héberger des opposants kurdes qu’elle qualifie de terroristes par définition. Vu que la Turquie n’a obtenu en apparence qu’une belle promesse des pays scandinaves de mettre leurs polices aux trousses des Kurdes, on peut supposer qu’elle a surtout obtenu que les pays alliés des Kurdes au Proche-Orient, tous membres de l’OTAN, laisseront la Turquie les anéantir, et libérer les vrais terroristes qu’ils gardent prisonniers. On n’a pas fini de déplorer les morts, les massacres, induits par la folie impérialiste de Poutine.

 

poutine - assad

 

Images :

https://carrefourivoire.net/un-rapport-de-lonu-accuse-la-russie-de-crime-de-guerre-en-syrie/

https://www.toonsmag.com/vladimir-putin-4/

https://vividmaps.com/

russie - assiette au beurre - révoltés

 

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