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101e km
22 juin 2022

Législatives 2022 : abstention et immobilisme

Donc, les Français – ou plutôt la moitié des électeurs – ont voté et l’on découvre un nouveau paysage politique. En fait, c’est comme ça tous les cinq ans. Le dimanche soir, les analystes nous assènent que c’est la première fois qu’on voit ça et que rien ne sera plus jamais comme avant. En 2002, on nous avait dit, plein d’enthousiasme, que Chirac devrait tenir compte qu’il a été réélu en grande partie par des voix de gauche. On a vu comme il s’est assis dessus. La gauche habituellement rancunière, ne lui en a pourtant pas tenu rigueur et le considère aujourd’hui comme le dernier grand Président de la République, parfois même devant Mitterrand, celui qui patiemment, a amené la gauche au pouvoir. La fête passée, adieu le saint !

Capture d’écran 2022-06-21 235806Cette fois, trois blocs antagonistes se détachent. C’est le paysage qui se dessinait dès la réélection du Président Macron. La différence avec ce qui existait avant l’élection de Giscard, c’est que cette fois-ci, c’est le centre qui est le plus fort et détient l’exécutif, rejetant la gauche et ce qu’on appelle encore l’extrême-droite, sur les côtés. Le clan du PR ne dispose pas de la majorité suffisante mais a tout de même remporté le scrutin. La France est un pays formidable où depuis quelques années, la force qui gagne l’élection est présentée comme le perdant tandis que ceux qui ont progressé sont « les grands gagnants ». On n’emploie plus cette formule mais le cœur y est toujours. LREM l’a emporté avec 245 sièges sur 577. La Nupes n’en a que 133 ; ce qui n’est pas mal pour une coalition formée rapidement ; preuve qu’elle répond à une véritable aspiration des Français. Le RN affiche 89 députés, ce qui est inespéré pour lui, évidemment. Pourtant, le camp qui apparaît (apparaissait ?) en position de vainqueur était plutôt la NUPES. L’imparfait s’impose puisqu’il n’a pas fallu 24 h pour que les formations qui l’intégraient remettent en route la machine à perdre qui a démarré au quart de tour !

Au soir du scrutin, les analystes affirment, que le RN qui ne disposait pas d’un réservoir de voix, l’a tout de même emporté dans nombre de duels. Ils en déduisent que des électeurs de gauche lui ont apporté leurs suffrages, en cas d’absence de la NUPES. Toutes ces extrapolations fondées uniquement sur la quantité ne tiennent jamais la route. C’est bien méconnaître les militants de gauche, même les simples sympathisants, que d’imaginer que certains aient voté pour un parti qu’ils qualifient de fasciste ! Quand on connaît la fixation qu’ils font sur la montée de « la peste brune », leur propension à qualifier de « facho » tout individu légèrement moins à gauche qu’eux, il paraît évident qu’aucune voix de gauche n’est allée vers un candidat du RN, même pour embêter Macron. Ce serait vraiment prendre les électeurs de gauche pour des gamins en cour de récréation. Ça en dit long aussi sur leur prétendue expertise. En revanche, on peut penser que les électeurs de gauche privés de candidats au 2nd tour, sont restés chez eux. Dans le même temps, d’autres électeurs voyant, contre toute attente, qu’un candidat RN a des chances, ont dû faire l’effort d’aller voter quand bien même ils s’étaient abstenus au 1er tour, pensant que « ça sert jamais à rien ». La politique et l’arithmétique ne sont pas compatibles.

Capture d’écran 2022-06-21 234910L’union de la gauche n’a même pas eu le temps de savourer son relatif succès puisque les diverses composantes ont décliné la proposition de leur chef de file, M. Mélenchon, de former un groupe parlementaire unique. Ainsi, les recalés de la présidentielle – et pas qu’un peu puisque ensemble ils réunissent à peine plus de 7 % – ont utilisé M. Mélenchon et la dynamique qu’il a su insuffler dans la foulée de son score à la présidentielle. Leurs formations ont pu ainsi se maintenir à flot et même reprendre du poil de la bête et faire oublier leur naufrage. M. Chassaigne, vieux briscard de la politique et de l’Assemblée Nationale, se réjouit de pouvoir conserver (de justesse) un groupe parlementaire. Ce n’était pas évident quand le PCF a soutenu un candidat qui a réalisé à peine plus de 2 %. Comme à son habitude (notamment pour les Européennes), EELV sont persuadés avoir gagné, grisés par un succès national inespéré. Eux qui n’avaient même pas de groupe, commencent à se hausser du col et ont déjà oublié les alliances qui leur ont permis ce résultat. La fête passée, adieu le saint ! Les querelles qui ont repris quelques heures seulement après l’annonce des résultats définitifs rappellent utilement aux Français pourquoi, malgré des propositions intéressantes, aucune des formations alliées de la Fi ne sont plus crédibles. Le PS continue de payer son passif de gouvernement et l’abandon (pour ne pas dire le mépris) de sa base populaire au profit de la défense de minorités. EELV s’obstine dans son européisme alors que l’UE est libérale, et donc antinomique de l'écologie. Le PCF passe son temps à compter ses voix pour espérer peser dans des négociations avec des partenaires, afin de garder ses derniers élus. Ses trois formations auraient intérêt à au moins changer de nom afin de repartir sur des nouvelles bases. Elles n’en prennent pas le chemin. On a même l’impression que leur souhait affiché d’autonomie cache en réalité le besoin de se conforter dans un rôle d’opposition acharnée, tout à fait incompatible avec l’ambition de la Fi de former un gouvernement pour gouverner la France et entamer la transition écologique et sociale. À droite, Mme Pécresse redonne de la voix aussi, alors qu’il n’y a pas longtemps, elle demeurait sous la barre des 5 % et que son parti est laminé au point d’avoir moitié moins de députés que la NUPES ; sans parler de ses déboires financiers. On peut penser que nombre d’élus LR vont rejoindre LREM tandis que d’autres se porteront sur le RN et qu’il ne restera qu’un minimum pour maintenir le groupe parlementaire.

Concrètement, que va-t-il se passer ? Le groupe RN fort de ses 89 députés est bel et bien le premier groupe parlementaire après LREM+Modem et leurs alliés. En vertu d’une faveur inspirée par M. Sarkozy après son élection et celle de la nouvelle chambre, la présidence de la Commission de l’Économie revient au premier groupe de l’opposition. Par conséquent, le RN aura beau jeu de placer un expert fraîchement élu, qui se fera remarquer comme ses prédécesseurs et renforcera l’image de son parti dans sa capacité à gouverner le pays. Dans 5 ans, ça comptera. Dans le même temps, les groupes qui ont formé, le temps d’une campagne, la NUPES offrent une fois de plus le spectacle de leur division et de leur incapacité à diriger l’État, ses pouvoirs publics et changer la société. Déjà qu’au contraire de Mitterrand en 1981, qui avait présenté ceux avec lesquels il travaillerait en cas de victoire, M. Mélenchon ne peut qu’axer les campagnes sur sa propre personne. On le voyait mal former un gouvernement avec les battus à la présidentielle et les vociférateurs qui l’entourent. C’est sans doute ce qui lui a valu de ne pas parvenir au 2e tour et ensuite d’être écarté de la présidence du Gouvernement qu’il briguait. La famille du RN n’est pas plus crédible mais dispose de 5 nouvelles années pour y parvenir, avec communication des dossiers qui accompagnent les projets de lois. En attendant, nombre d’électeurs doivent réaliser ce qu’aurait été un Gouvernement dirigé par M. Mélenchon, à supposer qu’il ait pu en former un. Dès la première mesure gouvernementale, on aurait assisté aux premiers craquements.

 

Comment va évoluer la vie politique française dans les mois ou sans doute, les années qui suivent ?

Passons sur le fait qu’on nous dit toujours que c’est la première fois car l’abstention montre bien que justement, malgré l’alternance, malgré des surprises au dépouillement, pas grand-chose n’a jamais changé, même l’instauration du quinquennat, même l’élection d’un PR centriste. Très vite, il a adopté les pratiques politiciennes rejetées par de plus en plus d’électeurs : plus de la moitié cette fois-ci. C’est plutôt ça qu’il faudrait analyser et sérieusement mais les journalistes et leurs analystes vont au plus facile, au risque de rebuter les électeurs. D’abord, la meilleure représentation des différents courants de pensée donne une idée de ce que serait une chambre issue d’un scrutin à la proportionnelle. Par conséquent, il y a fort à parier qu’il ne sera encore pas adopté par cette nouvelle AN. La formation qui finira par gouverner n’aura aucun intérêt à se retrouver encore plus affaiblie par ce mode de scrutin et par l’épreuve du pouvoir. Imaginons quatre blocs (ou plus) d’importance égale, devant passer des accords ou s’entendant au coup par coup ! Ensuite, on rabâche depuis le soir des élections, avec un plaisir ironique évident, qu’il va falloir trouver des compromis. Rien n’est plus contraire à la mentalité française qui ne comprend que le tout ou rien. Déjà, les responsables politiques qui se sont exprimés ont assuré qu’il n’en serait rien et que le compromis est une compromission. Aucune comparaison avec les autres pays civilisés où cette pratique permet au moins d’avancer et de procéder à des changements modérés qui satisfont l’opinion publique et assurent la stabilité. Ici, dès qu’un député d’un camp va voter comme son vis à vis détesté, on ne manquera pas de l’insulter, de le traiter de traître, de lui rappeler qu’il a uni son vote à un « facho » ou un « gaucho ». Les commentateurs se frotteront les mains : Je vous l’avais bien dit ! Le spectacle politique risque bien d’être encore plus consternant.

C’est sûr que dans ce pays où le patriotisme est aussi insignifiant et dont le sens est aussi peu compris par la population, la notion d’intérêt général est à l’avenant. Les politiciens défendent avant tout leur boutique et rabattent leur clientèle à grands coups de slogans du genre : « Il faut redresser la France ! Votez pour nous ! ». Malgré ronchon et le dénigrement permanent, la France est toujours la 6e ou 7e puissance mondiale et n’a reculé que parce qu’il a fallu faire place aux puissances émergentes. Les politiciens qui passent leur temps à se positionner contre, emballent de moins en moins les électeurs qui constatent que leur vote ne change pas grand-chose. On est loin des grands projets du passé, autour desquels se fondait un élan.

Même les petits projets semblent hors de portée. Si le PR Macron ne pourra plus agir à sa guise et sommer ses députés de voter sans ciller les lois qu’il veut faire passer, il en profitera pour freiner les principales revendications exprimées au cours de ces 5 années. En attendant, quid de la renationalisation de ce qui s'est vautré au gré des dérégulations et dont l'usager est le dindon de la farce ? Quid d'un Smic au montant acceptable et de la remise en question de l'escroquerie du Smic horaire ? Quid de la pérennité des contrats jetables ? Quid de l'encadrement des loyers ? Quid du salaire de vie ? Quid de la remise en cause des HAS/ARS qui ont contribué à couler notre système de santé ? Quid des incivilités dans les espaces publics ? Quid d’une police au service des citoyens ? Quid de moyens donnés à la justice par respect des victimes ? Quid d’une vraie transition énergétique au lieu de ce tout-électrique dont chacun voit bien les limites et donc la soumission à des intérêts particuliers ? Quid d’une communauté européenne qui respecte les peuple, leurs cultures et leurs valeurs ? On peut raisonnablement penser que sous un prétexte ou un autre, dans cinq ans, nous en serons toujours au même point et qu’il y aura encore plus d’abstentionnistes.

 

 

(Sumac et Jérémy Bérenger)

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Commentaires
J
Je vois se profiler deux hypothèses pour la rentrée ou, au plus tard, la fin de l'année : <br /> <br /> - Macron est poussé vers la sortie. <br /> <br /> - Macron dissous l'Assemblée nationale fraîchement élue. <br /> <br /> Dans les deux cas, convocation de nouvelles élections. <br /> <br /> Concernant le président, vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance présidentielle par le Conseil Constitutionnel (traduit du jargon administratif, après que le CC ait entériné la démission du président élu, ou son empêchement - Article 7 de la Constitution). <br /> <br /> Concernant l'Assemblée dissoute, les électeurs sont convoqués aux urnes vingt jours au moins et quarante au plus après que soit prononcée la dissolution (Article 12 de la Constitution). <br /> <br /> Ceci pour l'aspect institutionnel. <br /> <br /> <br /> <br /> Qu'est-ce qui pousserait Macron vers la sortie ? Ou plutôt, qui ? Si j'étais complotiste, je dirais, ceux qui l'ont mis au pouvoir. <br /> <br /> Pas ses électeurs, non. <br /> <br /> Ceux qui avaient décidé qu'il était le garant du système que l'on sait, et qui nous vaut aujourd'hui, en grande partie, de nous trouver dans cette impasse. Ceux qui avaient organisé l'éviction de Fillon à son profit, et mis en place une propagande efficace pour le vendre à l'électorat. Les McKinsey, Black Rock et autres think tanks européistes, qui ont vu leurs espoirs de nouvelles réformes régressives, que leur poulain était supposé mettre en place, ruinés par le méchant microbe qui continue de sévir (histoire de nourrir les soupçons de collusion entre Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne et le PDG de Pfizer ( https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/textos-echanges-avec-le-pdg-de-pfizer-les-petits-secrets-d-ursula-von-der-leyen_2167051.html ), Ursula dont on rappellera que le petit mari est, depuis octobre 2020, nous dit Wikipedia à son propos, "directeur médical de la société de biotechnologie américaine Orgenesis spécialisée dans les thérapies cellulaires et géniques" ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Heiko_von_der_Leyen). <br /> <br /> <br /> <br /> Voilà qui nous éloigne de Macron ? Pas trop, non. Car ce petit détail illustre bien avec quelle grosse machine une assemblée élue de bric et de broc, fertile en désaccords, mésententes et antagonismes, va devoir se colleter avec à la tête de l'exécutif un monarque réduit à l'état de tigre de papier siégeant sur un trône de carton-pâte. <br /> <br /> <br /> <br /> Les enjeux vont très au-delà des promesses de bons d'alimentation formulées lors des campagnes, aux fins d'aider le bon peuple à accéder à une alimentation de qualité. <br /> <br /> <br /> <br /> La situation de blocage engendrée par ce vote-sanction législatif ne saurait s'éterniser sans que les éminences grises du système ne déclenchent quelque vendetta dont ils ont le secret. Tout est possible, en ce qu'il n'est pas de conquête de quelque pouvoir que ce soit sans compromissions ni, comme aiment à le dire nos amis britanniques, "squelettes dans le placard". <br /> <br /> <br /> <br /> Qui parie sur la chambre, qui sur le trône ? <br /> <br /> <br /> <br /> Wait and see.
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