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101e km
5 mai 2021

Et les Français découvrent le centre

La politique tournait quelque peu au ralenti depuis plus d’un an ou plutôt, elle se limitait à critiquer l’action du Gouvernement, quoi qu’il décide pour traiter la crise sanitaire. Les Français sont ainsi, ils réclamaient un strict confinement partout et pour tous mais à condition que tout reste ouvert.

 

On a oublié que sous la présidence Hollande, les « nuits-debout » et les manifestants contre la loi Travail ont été tabassés sans que ça suscite beaucoup de réprobation, à part celles des victimes et de leurs proches. On observera aussi, à cette occasion, que la mémoire collective est de plus en plus courte. À l’approche des doubles élections départementales et régionales, on assiste à un réveil. Ce n’est pas le lever du roi mais presque. Il est stupéfiant d’entendre les commentateurs déplorer le niveau bas, selon eux, des débats mais ils omettent seulement de signaler que ce sont les commentaires qui les abaissent. On a rarement eu des journalistes politiques aussi médiocres qu’en ce moment. Le niveau est notamment abaissé par la recherche systématique d’arrières-pensées et par le refus d’analyser les propositions au profit des seules querelles de personnes. Ainsi, plutôt que prendre connaissance du programme de M. Mélenchon, on met en avant un égo soi-disant surdimensionné. On cherche au Président Macron des rivaux dans son propre camp. C’est vite fait, vu la taille du camp en question et, bien sûr, on feint de prêter à son ancien Premier Ministre, M. Philippe, une ambition nationale. Les sondages, parait-il, lui sont favorables, comme il le sont pour toutes les personnalités qui n’exercent plus le pouvoir. La mémoire courte, disions-nous ? Il suffit de constater le succès en librairie du livre de M. Hollande, Président terne s’il en fut, champion des promesses non tenues, qui parade aujourd’hui sur les plateaux alors qu’il n’a même pas osé se représenter.

Diplome1

Autre fait marquant du réveil des commentateurs, c’est la découverte du centre politique. À l’occasion du soutien de la liste conduite par M. Muselier en Sud (ex Provence-Alpes) par le parti présidentiel, on voit qu’un parti centriste soutient parfois un candidat de droite, parfois un candidat de gauche. On avait oublié que, jusqu’à l’élection du Président Giscard en 1974, les centristes détenaient des municipalités avec des socialistes ou, plus rarement, avec des Républicains Indépendants (le parti giscardien). Seulement, les centristes, las de se trouver écartés des responsabilités, avaient préféré soutenir le candidat libéral, sachant qu’il avait le plus de chances de l’emporter. Deux conséquences à ce choix. D’abord, le centre a disparu, ce qui a singulièrement manqué au Président Giscard dans la mesure où il apportait les voix qui manquaient parfois à l’Assemblée pour faire passer des lois audacieuses. Ensuite, les commentateurs et les professeurs de science-politique ont pris l’habitude de considérer la droite non gaulliste comme le centre. Depuis près de 50 ans, à présent, ce prisme est adopté par tous les Français. Ce qui existe chez tous nos voisins, à savoir un centre qui participe à des coalitions pour exercer le pouvoir, paraît encore incongru ici. Il est vrai que les voisins en question évoluent dans une structure plus ou moins fédérale où les représentants du peuple sont élus à la proportionnelle. Ici, on préfère se vautrer dans une crise politique et institutionnelle plutôt que de consentir à représenter le peuple au parlement dans sa véritable diversité. La révolte des gilets-jaunes a mis en lumière la question de la légitimité des élus et a montré une demande de participation directe au moyen du référendum. Pour récuser la tentation de la proportionnelle, on rappelle l’instabilité de la IVe République et, plus récemment, la formation d’un groupe parlementaire d’extrême-droite à l’Assemblée Nationale en 1986. On met également en avant la nécessité de dégager une majorité pour pouvoir gouverner. Tout ceci est saugrenu dans la mesure où il suffit de quelques aménagements pour dégager une majorité, même à la proportionnelle. De plus, nos voisins fonctionnent avec les mêmes institutions depuis la fin de la guerre et souvent bien avant, quand nous en avons déjà changé et qu’on parle de changer encore. Et quand bien même, nos voisin ont entériné des coalitions avec des partis centristes, écologistes ou alternatifs qui se joignent à un autre parti, compatible sur la plupart des points au moment de l’élection. On ne dit pas, ailleurs, qu’un chef politique tourne sa veste quand il change d’alliance ce qui fait aussi une sacrée différence.

L’autre fait marquant de ces élections, c’est le constat que le parti présidentiel, LREM, n’existe toujours pas sur le terrain. LREM se voit contraint, aux municipales l’an dernier comme aux territoriales cette année, de soutenir des élus sortant, faute de pouvoir aligner des candidats. Tout se passe comme s’il y avait une double vie politique, une nationale avec un exécutif fort, qui impose sa loi au corps législatif et qui fonctionne traditionnellement et une territoriale, où le parti présidentiel est absent des débats faute de militants sur place et de candidats. Cette configuration surréaliste apparaît comme une nouvelle exception française. Et les autres ? LR n’a toujours pas trouvé sa voie ni son style et encore moins de figure capable de fédérer les électeurs de la droite. Qui sait qui dirige ce parti et même qu’il existe ? L’UMP s’était imposée naturellement dans le mesure où Chirac n’a jamais été vraiment gaulliste, encore moins social et que sa conversion à l’européisme et à l’ultralibéralisme était dans la logique des choses. Dès lors, il n’y avait pas de raison pour que subsistent une droite libéraliste et une droite néo-gaulliste. À gauche, c’est le délitement ou, pour le dire de manière positive, la reconstruction. Le centre-gauche représenté par le PS affiche des ambitions modestes et cherche surtout à faire oublier les renoncements de la social-démocratie européenne et le calamiteux mandat de M. Hollande. Le PCF se maintient contre vents et marées et contre le sens de l’Histoire. Il s’apprête, comme il sait si bien le faire depuis le début de la Ve République, à compter ses voix plutôt que de faire gagner son camp. France-Insoumise est tiraillé entre une voie nettement à gauche et une autre focalisée sur la défense de toujours plus de minorités, autrement dit ce qui a affaibli la gauche depuis 40 ans avec le résultat déjà évoqué*. Déjà que M. Mélenchon apparaissait bien seul pour prétendre nommer un gouvernement, voici que ses soutiens ne sont plus cohérents et que les adeptes de la deuxième voie paraissent prêts à le lâcher dès qu’il fera mine de chercher un compromis, en cas de victoire. Après un tel constat, il n’y a plus qu’un chemin qui se dessine, celui de l’abstention. Aux prochains scrutins de cet été, elle devrait être d’autant plus forte que la campagne va être insignifiante du fait de la crise sanitaire et qu’elle ne démarre pas vraiment dans la mesure où les commentateurs n’en parlent que dans la perspective de la présidentielle de l’an prochain. Ils ne voient les têtes de listes que comme des candidats potentiels à l’élection majeure, surtout à Paris, bien entendu. Comment mobiliser les électeurs sur les enjeux locaux puisqu’ils n’en parleront pas ? Les commentateurs préfèrent organiser le cirque électoral, imposer le début du spectacle un an avant plutôt que de respecter le calendrier électoral et faire leur travail d’informer sur les attributions et les compétences dévolues aux Conseils Régionaux et Départementaux. Après le second tour, ils se répandront sur le désintérêt des Français pour ces élections. Ils s’inscrivent de plus en plus dans la prophétie autoréalisatrice. D’un autre côté, comment peut-il en être autrement dans un pays centralisé comme la France, incapable de comprendre la décentralisation et les questions locales, semblant ignorer la démocratie de proximité ? On critique, on vilipende les institutions de la Ve République mais si l’on regarde bien, ce sont celles qui correspondent le mieux à la mentalité française : un monarque, certes élu, qui centralise tous les pouvoirs et gouverne la France à la manière de la carte des lignes de chemins de fer qui partent toutes de Paris avant de se ramifier dans les régions. Où l’on voit qu’il n’y a pas que sur les questions de santé publique que les Français veulent une chose et son contraire.

 

 

*La gauche a perdu la tête et sa base

 

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