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101e km
14 mars 2021

Radios : les grandes manœuvres

On en parle peu mais des manœuvres sont opérées autour de deux radios généralistes, Europe1 et RTL. On en parle peu car les intéressées affichent une discrétion où l’on sent l’inquiétude, les concurrentes n’ont aucune raison d’y faire écho et le monde de la finance n’a pas encore fixé son choix. Surtout, on sent que ça n’intéresse personne et c’est sans doute le fait marquant. Il y a quelques décennies, le binôme Giscard-Chirac qui contrôlait la station via la Sofirad a évincé son co-fondateur, Maurice Siégel, de sa propre radio. La crise était largement commentée dans les journaux et les bulletins d’informations des télévisions et des autres radios. Cette fois, rien car le contrôle d’une radio généraliste, à l’heure où des dizaines de stations émettent, où des dizaines de chaînes de télévisions s’arrogent une position dominante sur les loisirs quotidiens, ne présente plus le même enjeu. Il convient de dire aussi que pour l’opinion publique française, c’est l’État qui figure la censure et le contrôle sur les médias alors que tout montre au quotidien que la censure vient désormais de groupes de pressions et qu’une poignée d’industriels (il en reste un peu) et de financiers contrôlent les médias audiovisuels et la presse sur papier.

Anaïs_Jeanneret,_Paris,_2021Nous nous étions promis d’attendre car il paraît inutile de rendre compte de ces manœuvres et mieux vaut commenter le fait accompli. Ce qui nous a incité à déroger, c’est que ce samedi 13 mars 2021, la rédaction d’Europe 1 a reçu Anaïs Jeanneret comme témoin invitée à commenter un événement de l’histoire récente. Personne ou presque ne connaît Anaïs Jeanneret qui a joué quelques rôles au cinéma dans les années 1980s et un peu plus, avant de se consacrer à l’écriture. M. Legrand, n’a pas manqué de faire la liste des prix que ses livres ont obtenus mais ça ne veut plus dire grand-chose tant il y pléthore. La moindre commune qui organise un salon, la moindre société plus ou moins savante décerne un « grand prix » ; car il n’y a que des grands prix tout comme des grandes écoles. Il n’y a pas de « petite-école » de commerce ou de science politique. Il n’y a pas de petit prix littéraire. Ce long préambule pour signifier que la carrière d’Anaïs Jeanneret ne justifie pas qu’elle soit invitée pour évoquer ses souvenirs en tant que témoin d’un événement historique. En revanche, on se doit de rappeler que dans le civil, elle est la compagne de M. Vincent Bolloré, candidat au rachat d’Europe 1.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises, Europe 1 va mal depuis longtemps et même très longtemps puisque jamais remise du pillage de sa rédaction d’excellence dans les années 1990s. Depuis, les différentes directions ont tenté, qui d’innover en copiant les radios musicales privées, qui en appliquant des vieilles recettes qui avaient marché en leur temps. Le coup de grâce a été donné avec la mort de son grand patron, Jean-Luc Lagardère. Son fils Arnaud a pris le relais et semble avoir de l’affection pour la radio de papa mais ça ne suffit pas. Recruter les vedettes qui cartonnent ailleurs ne fonctionne pas car l’auditeur ne choisit pas son programme radio comme il choisit ce qu’il va regarder à la TV le soir. Il reste branché sur la station qui lui convient le mieux. On observe davantage de départs quand on n’est pas satisfait d’une voix ou du style d’un animateur que d’arrivées pour suivre une vedette. Comme d’habitude sur Europe 1, le patron assure le directeur général de la longévité avant de se rétracter et d’arrêter les frais en constatant que ça ne marche pas. C’est ce qui est arrivé à M. Schlesinger, pourtant un directeur des plus chevronnés, sans que ses successeurs fassent mieux. Europe 1 s’enfonce et devient la radio généraliste de trop. Malgré tout, la maison possède un patrimoine et attire les convoitises. M. Bolloré qui, contre vents et marées s’est imposé d’abord comme patron incontesté de Vivendi puis du groupe Canal+, voudrait réaliser des économies d’échelle en couplant sa chaîne décriée C8 avec une radio. Malgré sa mauvaise santé, la station aiguise les appétits d’autres financiers comme M. Arnault, déjà propriétaire de Radio Classique qui, outre la diffusion sans le verbiage imbuvable de France-Musique qui occupe parfois l’essentiel d’une émission, recrute les vieilles gloires de la télévision qui ne peuvent se résoudre à prendre une retraite bien méritée. Radio Classique est un peu la danseuse entretenue par M. Arnault qui lorgne aussi sur RTL. RTL se porte bien, pour autant qu’une radio généraliste puisse se bien porter de nos jours, nous y reviendrons. Seulement, son propriétaire, le groupe multinational d’origine allemande, Bertelsmann se sépare de Prisma, son pôle magazine sur papier (Géo, National Geographic (Europe), Ça m’intéresse, Femmes Actuelles, Gala, Voici, VSD (créé à l’origine par Maurice Siégel)), et des activités françaises de son pôle multimédia dont le fleuron est RTL. Lorsque RTL-France est passée sous le contrôle de sa filiale M6, nous nous en étions étonnés dans RTL déménage car il était plutôt singulier de voir une télévision qui se qualifiait elle-même de « petite chaîne (qui monte) », prendre le contrôle de cette géante dRTL, archi connue et très populaire. Il fallait plutôt y voir une tentative de Bertelsmann de donner du poids à une chaîne de télévision encore secondaire. Or, au moment de se séparer de ses filiales françaises, ça prend tout son sens. M6 n’est plus « la petite chaîne qui monte » mais la maison mère d’un groupe multimédia. Bolloré et Arnault sont également en lice pour mettre la main sur RTL. Reste à savoir qui est vraiment intéressé par quoi. D’autres sont candidats comme M. Xavier Niel, M. Alain Weill (BFM, RMC). Pourtant, personne ne semble curieux de savoir pourquoi Bertelsmann se sépare d’affaires qui marchent bien. Ne seraient-ce que des apparences ? Il y a 11 ans, nous attirions l’attention sur les Nouvelles pratiques d'écoute de la radio. Depuis, les faits ne nous ont jamais démenti, bien au contraire. Nous avons indiqué que La radio se cherche une identité et un avenir

et, plus récemment, trois articles mettaient en évidence le Recul de l'écoute radio (et Recul de l'écoute radio 2 (par Jérémy) et Recul de l'écoute radio 3 (réponse à Jérémy)). Il est tout à fait singulier de voir l’influence qu’exerce encore la radio ou, plutôt, l’information à la radio et plus précisément les entrevues. Les décideurs et les artistes se battent encore pour se trouver au micro, le matin si possible et à tout autre moment de la journée faute de mieux. Il n’est pas rare qu’un écrivain, un chanteur, fasse deux radios dans la même journée. Il est vrai que c’est parfois enregistré. En politique, on ne manquera pas de reprendre l’intervention de tel ministre ou de tel opposant dans une matinale de radio. C’est évidemment ce qui intéresse les Arnault et Bolloré puisque, malgré une baisse de l’écoute, il y a toujours des annonceurs qui apportent de l’argent frais. Le reste du temps, les radios généralistes tentent de rivaliser à coups d’émissions de récits et d’histoires, de divertissements, de vulgarisation scientifique dans une perspective écologique, de parlotte en tout genre. Autrement dit, rien que des niches qui attirent un public spécifique à chaque fois. L’influence des entretiens des matinales radiophoniques porte en fait l’essentiel de l’audience d’une station de radio et les minutes de publicité valent cher. Éventuellement, les rendez-vous avec quelques chroniqueurs sont attendus ; là aussi par un public bien ciblé. Toutes concluent leur session par un divertissement : imitateurs chez les unes, humoristes auto-proclamés chez l’autre. En d’autres termes, les auditeurs ne cherchent plus à être informés par la radio. Ceux qui le veulent, disposent d’applications sur leurs smartphones. Les jeunes ne se servent que de ça et boudent la radio qui leur paraît une application bâtarde et incomplète. Il faut un sacré aveuglement pour proclamer que la radio est LE média de l’avenir. Tout porte à croire qu’elle subira le sort du télégraphe, finalement abandonné malgré ses améliorations : d’abord mécanique et optique (Chappe), puis électrique, il n’a pas survécu au téléphone. Malgré la modulation de fréquence puis le numérique, la radio s’éteindra.

 

La télévision est à peine mieux lotie. Un grand professionnel comme M. Patrick Sébastien constatait il y a trois ans : « Les mômes ne la regardent plus. Ça, il faut le savoir. Je pense même que c’est un instrument qui va, petit à petit, disparaître. ». Pour le moment, elle résiste encore. D’abord, parce qu’il n’y a pas que des « mômes » dans un pays et que leurs aînés aiment ce média avec lequel ils ont grandi et passé l’essentiel de leur vie. Ensuite, parce que si la télévision en chaînes, même thématiques, intéresse moins, l’écran de télé sert encore de support à tous les contenus à la demande. Plutôt que de se cogner un téléfilm, un plateau de bavardages ou autre, on préfère regarder un film inédit ou un épisode d’une série à la mode sans avoir à sortir de chez soi et sans impératif horaire. Même les plus militants raffolent des séries venues des États-Unis ou d’Israël. Et puis, d’après les échos que nous en avons, ce n’est pas la cérémonie des César de 2021 qui va réconcilier le public avec la télévision ou le cinéma. Sortir et payer pour se prendre la tête avec un film français qui sera qualifié de « minimaliste, d’exigeant, d’intimiste » pour masquer que le réalisateur a touché des subventions alors qu’il n’a rien d’intéressant à dire, ça a pu marcher pendant quelques années, faute de mieux, mais à l’heure de l’Internet, on a le choix. Le public se tourne vers ce qui a du sens et du rythme. La télévision pouvait se permettre ces spectacles affligeants de remises de prix où, il n’y a pas si longtemps, ce n’étaient que pleurnicheries et où il convient aujourd’hui de balancer des slogans à la mode en se croyant révolutionnaire. Aujourd’hui, avec la concurrence des chaînes, on peut s’éviter ce supplice. Avec les VOD, on regarde ce qu’on veut

On comprend mieux que le très florissant groupe Bertelsmann se sépare de ses filiales françaises pendant qu’elles ont encore de la valeur, afin de pouvoir investir dans les médias d’avenir.

 

On relira des analyses sur l’évolution des pratique radiophoniques de ces dernières années :

Auditeurs audience

Audience des radios : comment croire ?

Extension de l'audience : la dure lutte

 

http://lanternediogene.canalblog.com/archives/medias/index.html

 

Europe 1 cherche une troisième voie

enfin Tempête sur Europe 1 caracole en tête des visites du blog depuis le 16 mars 2018 quasiment sans interruption

 

 

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